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L’atelier "Marié, Séparé, Fidèle : Missionnaire de l’amour du Christ pour l’humanité"
Les situations personnelles que nous accueillons au sein de la Communion sont très variées. Même si chaque frère et sœur y est « Marié, Séparé, Fidèle », ce qui est l’objet canonique de notre mouvement, l’histoire de chacun et chacune est très différente : il y a ceux qui ont été quittés et ceux qui ont quitté leur conjoint ; il y en a qui sont encore en pleine crise conjugale et d’autres qui sont séparés depuis vingt ou trente ans ; il y a ceux qui ont vécu quelques courtes années ensemble, et ceux qui ont fêté trente ou quarante ans de mariage avant leur rupture ; il y a des hommes et des femmes sans enfant et des pères ou mères de dix enfants ; il y a des bien-portants et des malades, des personnes aisées et une grande majorité de personnes en situation de fragilité, voire de précarité, tant nous savons que le divorce s’accompagne souvent d’un appauvrissement, en particulier pour des femmes abandonnées ; il y a des personnes qui ont retrouvé des relations familiales apaisées et d’autres pour lesquelles la séparation conjugale est marquée par la violence, le conflit, des rancunes tenaces, parfois des ruptures très longues avec les enfants, certains ne connaissant pas leurs petits-enfants... Bref, nous savons d’expérience, dans notre modeste hôpital de campagne de la Communion, que chacun et chacune doit être accueilli comme il est, où il en est, qu’il n’y a pas de recette uniforme, de boîte à outils miraculeuse, de kit de l’annonce évangélique dans notre mission.
Au fil des échanges et de la vie de la Communion, dans les différents groupes régionaux, nous avons toutefois identifié trois points clés qui éclairent le chemin des Marié(e)s, Séparé(e)s, Fidèles et les introduisent dans une démarche missionnaire d’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, et de redécouverte du Christ Sauveur.
1/ Le premier point de cette démarche missionnaire, c’est tout simplement se tenir dans le monde sans être du monde, par cette décision mystérieuse de la fidélité après une rupture conjugale. Il faut être conscient de l’énorme pression sociale qui veut imposer le modèle du « refaire sa vie », y compris dans nos entourages chrétiens.
Essayer de se tenir dans la fidélité, malgré le courant contraire, c’est témoigner à son insu, en quelque sorte, qu’il y a quelque chose de l’ordre de l’infiniment modeste, une personne blessée et fragilisée, qui regarde dans une autre direction que celle de l’hédonisme contemporain. Cette attitude n’est évidemment pas la posture d’un donneur de leçon, mais bien plutôt un geste répété d’abandon à la grâce divine. Cette fidélité serait comme l’empreinte de celle-ci.
Notre témoignage est unanime sur ce point, malgré la variété des histoires : ce n’est pas nous qui, à la force du poignet et pour bien montrer qui est le plus fort, résistons à la tentation du monde. Bien au contraire, nous nous abandonnons à ce mystère de la fidélité qui nous dépasse, qui nous semble bien souvent au-delà de nos forces, mais qui devient le lieu de notre paix. La fidélité est un cadeau de Dieu que nous accueillons, dont nous ne nous sentons pas toujours digne, mais que nous tentons de garder dans notre cœur, comme une petite lumière précieuse. Être fidèle n’est pas du domaine de l’agir mais de l’accueil. Comme toute fidélité d’ailleurs. Accueillir, recueillir la fidélité comme don de Dieu qui s’est donné par le Christ sur la croix. Alors, cette première dimension missionnaire, c’est d’oser la fidélité pour la présenter au monde comme un bien précieux, en témoignage de la fidélité de Dieu.
2/ Pour que cette fidélité prenne tout son sens, elle doit s’articuler avec le pardon, et c’est le deuxième axe missionnaire de la Communion. Vous savez comme les séparations et les procédures de divorce peuvent être violentes et laisser des traces durables entre les époux. Ceux qui étaient les plus proches et les plus intimes deviennent parfois les pires ennemis, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes de la vie conjugale. Même en dehors de ces situations extrêmes, la vie des personnes séparées peut n’être qu’une succession de blessures, petites ou grandes, en particulier à chaque fois que la vie de famille impose une gymnastique délicate: garde des enfants, vacances, mariages, naissances, petits-enfants et encore davantage lorsque le conjoint absent est lui-même engagé dans une nouvelle union. Qu’il s’agisse de grands pardons ou de petits pardons, d’un pardon à donner ou d’un pardon à recevoir, de pardons répétitifs ou d’un pardon inattendu, la vie des MSF est essentiellement un chemin de pardon. Or, qui est la référence du pardon, sinon le Christ ? Cette fidélité malgré la séparation devient donc un chemin d’apprentissage du pardon avec le Christ. N’est-ce pas justement une mission urgente dans notre monde, si cruellement divisé et touché dans les familles, que d’essayer de se faire apôtres du pardon à la suite de Jésus ?
3/ Le troisième axe missionnaire qui ressort des témoignages de la vie des frères et sœurs de la Communion, c’est celui de la rencontre avec Jésus, et de sa présence vivifiante dans l’eucharistie. De nombreuses personnes qui nous ont rejoints nous ont dit avoir repris le chemin de l’église après leur échec conjugal et ont témoigné de cette redécouverte du Christ comme d’un compagnon de route qui ne nous lâche jamais dans l’épreuve. Cette dimension spirituelle va très loin puisqu’elle rejoint notre condition charnelle : dans la solitude de cette chasteté imposée, Jésus-hostie nous donne son corps, et sa fréquentation quotidienne est pour beaucoup la source de paix qui irrigue leur vie tourmentée. La situation de détresse se fait soudain chemin de conversion, pour retrouver Jésus, re-connaître Jésus. Entendre qu’il m’aime malgré mon échec, et qu’il m’accompagne chaque jour de ma vie. Ce qui change singulièrement le regard que l’on peut porter sur les personnes séparées ou divorcées.
En conclusion et pour susciter le débat, nous pourrions résumer la mission kérygmatique des MSF autour de trois appels qui ont pour nom FIDÉLITÉ, PARDON et EUCHARISTIE :
- Un appel à contempler la fidélité conjugale comme le reflet béatifique de la fidélité du Christ Jésus qui s’est donné entièrement à nous, jusqu’à la mort sur la croix ;
- Un appel à être des apôtres du pardon dans un monde si violemment divisé, à l’école du Christ Jésus lui-même qui nous a parlé du pardon sans limite ;
- Un appel à retrouver Jésus sur nos chemins cabossés, Celui que nous avions peut-être un peu oublié, dans le confort du bonheur ou de la routine, et qui fait toute chose nouvelle.
Quelques questions pour illustrer le débat et nourrir les échanges avec les participants :
- Quel regard je porte sur les séparés ou divorcés ?
- Est-ce que je laisse la place à la possibilité de la fidélité ?
- Est-ce que je rejoins l’opinion dominante du « refaire sa vie » ? Est-ce que j’utilise cette formule et est-elle juste ?
- Est-ce que j’invite des séparés vivant seuls à ma table, en particulier pour les fêtes ?
- Est-ce que je pardonne à ceux de mon entourage qui sont dans cette situation ?
- Quelle présence je viens trouver dans Jésus-hostie ?
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La signification d'une séparation fidèle
Il y a deux ans, lors d'une réunion du Conseil de notre Communion, la discussion sur les projets à mener pour mieux faire connaître notre mouvement ont amené l'idée de confier à un étudiant en théologie un travail de recherche sur la CNDA et son charisme de Mariés, Séparés, Fidèles. Le Père Grégoire, qui commençait ses études de licence à l'Institut Jean-Paul II à Rome, a donc proposé d'en parler à la responsable de ses études. Sa réaction fut immédiate : "mais nous avons un étudiant qui travaille déjà sur ce sujet, Marcelo Fiaes, contactez-le !"
Dès que le contact fut établi, une réunion en Zoom nous permit de faire la connaissance de Marcelo, laïc marié et père de deux enfants, d'origine brésilienne, qui habitait Rome et s'était effectivement lancé dans un mémoire de licence sur le sujet : Il significato della separazione fedele (La signification d'une séparation fidèle). La providence était à l'œuvre, encore et toujours ! Nos échanges furent marqués par une grande émotion. Pour lui, de rencontrer des frères et sœurs de la Communion, qui venaient partager leur expérience de la fidélité après une séparation, et qui illustraient directement, dans le concret de leur vie, le sujet de sa thèse de théologie. Et pour nous, de rencontrer un chercheur qui non seulement s'intéressait à notre sujet, mais s'en émerveillait.
Pour nourrir ses travaux de recherche, quatre frères et sœurs de la Communion (parlant anglais car c'était notre seule langue d'échange) ont accepté de répondre par liaison vidéo, confinement oblige, à un questionnaire très précis sur certains aspects du sujet. Cette démarche aussi passionnante que fraternelle s'est achevée le 22 octobre par l'obtention du prix du 2e meilleur étudiant de l'année 2020-2021 devant le jury académique de l'Institut Jean-Paul II présidé par son nouveau responsable, le Père Philippe Bordeyne, ancien recteur de l'Institut Catholique de Paris, suite à la brillante note de 30/30 obtenue par Marcelo en juin dernier. Nous partageons avec vous, comme il nous l'a demandé, la traduction de la lettre qu'il vient de nous adresser.
Chers amis de la Communion Notre-Dame de l'Alliance, la paix du Seigneur.
Je voudrais partager avec vous une joie personnelle, et vous en remercier tous pour cela.
Hier, j'ai reçu une reconnaissance académique pour la deuxième meilleure thèse de Licence en théologie. Comme vous le savez, cette thèse était un travail de recherche sur la signification du geste chrétien de la fidélité après une séparation (separate faithful = séparés fidèles). Toutes les autorités académiques étaient présentes et ils ont pu voir la beauté sans tache de votre choix de vie.
En effet, il aurait été impossible de conclure ma recherche sans vos témoignages et votre inspiration.
Il est vrai qu'il existe encore parmi les théologiens un triste préjugé quand ils pensent aux séparés fidèles. Plusieurs pensent que vous faites ce choix sous la contrainte "externe" de la loi canonique, et ils ne peuvent pas discerner le mouvement interne de l'Esprit qui vous conduit à rencontrer Jésus, l'époux sur la croix, d'arriver à pardonner et donc de parvenir à la liberté. S'ils ne peuvent voir l'œuvre de Jésus (ou mieux, Jésus à l'œuvre avec vous, puisque votre liberté est précieuse et conditionne la joie de l'Esprit Saint), il est impossible de saisir le sens théologique de la séparation. Alors que ce sens existe et brille dans vos vies : pour l'aimer jusqu'au bout - jusqu'à la fin (Jn 13,1).
Quand j'ai commencé ma recherche, elle a été immédiatement contestée par certains de mes collègues. Ils m'ont accusé d'"idéologie" ou de "pensée abstraite" sans racine dans la réalité.
Et puis j'ai découvert vos témoignages. En utilisant la phénoménologie et en l'appliquant à votre expérience de vie, j'ai pu montrer que ma recherche était non seulement cohérente avec la Révélation, la Tradition et la Théologie Spirituelle, mais qu'elle correspondait à la vraie vie du chrétien. Votre témoignage va être de plus en plus nécessaire à l'Église. C'est seulement à travers votre vie, une vie chrétienne imparfaite et merveilleuse à la fois, que l'on peut toucher et voir "comme est bon le Seigneur" et la grandeur de la fidélité. Une fidélité qu'Il partage avec nous ! Et vous êtes la preuve théologique que cette participation n'est pas théorique. Donc, merci encore. Mon succès académique est le vôtre, vraiment le vôtre.
Partagez s'il vous plait ces remerciements avec tous les membres de la Communion, et tout particulièrement avec les nouveaux qui ne font que commencer leur chemin maintenant. Dites-leur que la fidélité est la bonne chose à choisir, que seul à travers l'amour vécu jusqu'au bout (Jn 13,1) il est possible de participer à l'amour du Christ. Cela vaut pour eux, pour leur bien propre (la joie de la résurrection, mais simplement l'union au Christ). Mais cela vaut aussi la peine pour nous, le reste de l'Église, qui avons tant besoin du témoignage de leur vie.
Dans le Christ, votre ami, Marcelo Fiaes.
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