En ces jours où tout le monde commente les conclusions du Synode sur la famille, j'ai envie de vous partager ce qui m'est arrivé récemment et qui est en lien avec le chemin de fidélité que nous vivons.Il faut que je commence par une petite prémisse. Ces deux dernières années j'ai repris avec beaucoup de joie la pratique de la course à pieds. Cela m'apporte beaucoup d'équilibre et de joie, parce que je peux me retrouver dans la nature et me donner à fond physiquement. Cela me fait sentir la présence de Dieu dans ma vie. Je me suis ainsi inscrite à un club de jogging et j'aime beaucoup partir courir aussi avec d'autres, c'est l'occasion de beaux échanges.
Récemment, je suis partie avec le club pour une longue sortie d’environ trois heures. Pendant la course il m'est arrivé de parler avec une dame, Marie (nom d'emprunt), qui a quatre enfants adolescents et qui est divorcée depuis 2002. On a un peu échangé à propos des enfants, et puis elle m'a demandé si j'étais séparée moi aussi. J'ai répondu oui et nous avons commencé à parler de nos histoires respectives. Elle m'a raconté la sienne et moi j'ai raconté la mienne et puis, en terminant, j'ai laissé entendre que j'avais fait le choix de ne pas "refaire ma vie" avec un autre homme. J'ai dit que ce n'était pas par principe ou par défaut, mais par choix. Marie m'a alors questionnée un peu là-dessus, puis... le groupe s'est arrêté pour une petite pause de ravitaillement et notre conversation a été interrompue.
J'étais surprise d'avoir parlé ainsi de moi et d'avoir dit que j'avais choisi de rester fidèle; je me disais que c'était difficile à comprendre et que j'aurais mieux fait de me taire. Finalement, je me suis dit que le ravitaillement et l'interruption de la conversation étaient arrivés bien à temps... ! Je suis donc repartie soulagée après la pause, et je n'y ai plus pensé. Il nous restait 8 km à courir (une heure environ).
Un gros quart d'heure après le départ, Marie m'a approchée de nouveau et, toujours en courant, elle a repris la conversation me disant : « nous avons été interrompues dans notre conversation tantôt, mais je voulais te dire que je t'admire. Il faut une force incroyable pour le choix que tu poses. Hélas moi je n'ai pas cette force mais je t'admire car vivre cela est quasi contre nature ». J'ai été secouée par ces paroles, moi qui avais pensé qu'il aurait mieux valu me taire... ! J'ai senti alors que j'étais appelée à continuer cette
conversation et, tirée de ma paresse par ses paroles, j'ai commencé à témoigner de ce qui m'animait. J'ai confirmé que ce choix était en effet assez peu naturel, car l'homme est fait pour vivre avec d'autres et pas pour être seul, mais que cependant il s'imposait à moi à partir de la promesse de fidélité que j'avais faite à Claude, mon mari, le jour de mon mariage. Et que je n'aurais pas pu faire autrement. Puis j'ai parlé de ma foi et dit combien la relation avec Dieu avait été décisive pour moi sur ce chemin, où la solitude me faisait souffrir. J'ai aussi dit que j'étais en paix et que j'avais un jour demandé à Dieu de me protéger de vouloir faire ce choix si cela me privait de la joie. Et que ma prière avait été exaucée car, depuis le début, malgré les difficultés à traverser et les moments de découragements, je n'avais pas été privée de cette joie. Marie m'écoutait en silence et avec intérêt. Nous avons beaucoup parlé, en profondeur, et Marie s'est beaucoup ouverte aussi par rapport à son chemin. Elle m'a redit son admiration, même si elle n'a pas la foi. Elle me disait aussi qu'elle n'était jamais parvenue à tenir dans une relation affective après la séparation, malgré plusieurs expériences tentées. Et qu'elle vivait encore une relation toute particulière avec son mari, malgré le fait que celui-ci est remarié civilement et heureux de l'être. Elle me disait tout cela avec beaucoup de vérité et de simplicité, touchée elle aussi par cet échange.
Je suis encore tout émue de cette conversation et j'en tire quelques enseignements.Tout d'abord, que ce que nous vivons (la fidélité) interroge nos contemporains, même s'ils n'ont pas la foi. Le choix de la fidélité est un choix que nombreux peuvent reconnaître comme bon et courageux. C'est important de le constater car cela évite de nous sentir "victimes" d'un monde qui ne comprend pas! Aujourd'hui, j'en viens même à reconnaître que ce choix est en réalité un cadeau qui m'est fait, qui nous est fait, parce qu'il dit la fidélité de Dieu à ma vie et à la vie de nous tous.
Ensuite, j'en tire l'enseignement que nous sommes réellement conduits par l'Esprit. L'Esprit est notre vie. Il sait où nous amener et il nous donne la paix et la force intérieure pour vivre et témoigner de sa vie, et cela justement là où nous l'imaginons le moins! Toute l'énergie intérieure devrait être employée uniquement pour s'ouvrir à l'Esprit ! Je veux vraiment demander la grâce de la docilité à l'Esprit.
Je repense ce soir aux paroles que le Pape François a dites lors d'une homélie : « L’effort que nous faisons, ce travail quotidien de servir le Seigneur avec notre âme, avec notre cœur, avec notre corps, avec toute notre vie, ouvre seulement la porte à l’Esprit Saint. C’est Lui qui entre en nous et nous sauve ! C’est Lui qui est le don en Jésus-Christ ! ». Notre joie est... d'ouvrir la porte à L'Esprit Saint. Le reste, Dieu s'en charge. Je porterai Marie dans ma prière.
Ah ! Qui aurait dit que le jogging était un lieu pour témoigner de ma foi... ? Tout est occasion de témoignage! Et tout devient le lieu de la rencontre avec Dieu.
Je rends grâce au Seigneur de cette rencontre avec Marie parce qu'elle m'a conduite aujourd'hui si près de Dieu. Elle m'a amenée à voir plus en profondeur le cadeau de la fidélité !
Laura (Louvain-la-Neuve) – BELGIQUE