…Et non dans la fuite. Fuir, c’est aller voir ailleurs si j’y suis, et précisément je n’y suis pas. Et Dieu non plus, car Dieu aime trop le réel pour habiter le non-lieu de l’ailleurs. Fuir, c’est déserter cette place qui est la mienne. Place inconfortable peut-être, et même intenable certains jours. Mais c’est la mienne. C’est là et pas ailleurs qu’il m’est donné de vivre, qu’il m’est permis d’aimer, qu’il m’est proposé de bâtir. L’Enfant-Dieu sur la paille de la crèche : quel drôle d’endroit, quel endroit improbable ! C’est pourtant là que tout commence. Je sais : il vient pour le monde entier, il enverra ses disciples jusqu’au bout du monde, et l’Évangile sera annoncé en tous lieux. Mais s’il ne commençait pas quelque part, il serait à jamais de nulle part.
Attention ! le salut n’est pas non plus dans l’immobilité ! La peur paralysante, la déception décourageante (on ne m’aura pas deux fois), la fatigue lancinante, la critique démobilisante, tout conspire à me faire rentrer dans ma coquille. Pour vivre heureux, vivons cachés ! Les autres ? Qu’ils se débrouillent. Dieu ? Il n’en demande pas tant. Mes engagements, mes promesses, mes responsabilités ? J’ai assez donné, c’est toujours les mêmes qui se font avoir.
Et pourtant… Il y a des matins où tu as des fourmis dans les jambes, il y a des soirs où tu as un appel dans le cœur. Ton bâton de pèlerin, posé contre le mur, semble attendre qu’une main le saisisse. Deux ou trois choses à fourrer dans un sac. Une porte à ouvrir. Un dernier coup d’œil au présent – que tu aimes, mais pas au point de t’y enliser. L’avenir te fait signe. Partir…
Dieu préfère les nomades aux sédentaires. Abel à Caïn. Abraham à toute sa parenté d’idolâtres (l’idolâtrie, c’est la religion à domicile, qui ne dérange pas car elle est sur mesure). David à ses sept frères aînés. Pourquoi David ? Parce qu’il gardait les troupeaux. Dieu aime les bergers, parce que dans ces pays de cailloux, les bergers sont des nomades. On ne peut nourrir les troupeaux qu’en allant de puits en puits et de pâture en pâture. Pas étonnant que les premiers invités de Noël soient les bergers, qui passaient la nuit dehors. Pas prisonniers de quatre murs. Et les deuxièmes ? Des mages, des bergers d’étoiles en quelque sorte. Qui viennent de loin. Et qui n’en reviennent pas !
Que vous souhaiter d’autre alors pour 2010 qu’une belle et bonne route. Dans une Communion qui ne déserte pas le lieu difficile qui est le sien, et qui avance sur les chemins imprévisibles de l’histoire des hommes et des appels de Dieu.
Père Alain Bandelier