Editorial
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- Écrit par Marie et Emmanuel
Chers frères et sœurs,
Un an après l’entrée en confinement, nous voici à nouveau dans une période de restrictions. Des interdictions, des annulations, des barrières à nos gestes, des veillées pascales improbables, plusieurs récollections qui ne pourront avoir lieu. Un temps du monde marqué par le « non ».
C’est peut-être pour nous le temps de réfléchir à notre « oui », d’autant que l’Église, toujours à temps et à contre-temps du monde, ne nous parle que de « oui » ces jours-ci : le « oui » de Marie au jour de l’Annonciation, le 25 mars, le « oui » de Joseph, que le Saint-Père nous invite à contempler pour cette année de la famille qui vient de s’ouvrir. Et le « oui » de Jésus, au Jardin des Oliviers : « Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que moi, je veux, mais ce que toi, tu veux » (Mc, 14, 36), ce « oui » ultime que nous avons médité du jour des Rameaux jusqu’au Vendredi saint.
Au jour de notre mariage, nous avons prononcé un « oui » solennel, un « oui » en robe de mariée et en costume de cérémonie, un « oui » devant notre famille, nos amis, nos connaissances, un « oui » devant monsieur le maire et monsieur le curé, avec enfants de chœur et bénédiction des alliances, un « oui » avec signature des registres et tampons officiels. Ce « oui » fondateur, il n’est pas passé inaperçu, il s’est poursuivi dans les rires et la fête, les discours et les pièces montées. Ce fut un « oui » qui fit du bruit.
Quelques années plus tard, nous sommes tombés, et notre couple s’est déchiré dans la souffrance et les larmes. Il n’y avait plus personne pour partager ce moment, que nos enfants peut-être, témoins désespérés de ce naufrage. Et là, dans le silence et la solitude, comme exilés dans notre propre vie, alors que nous étions perdus, brisés, incapables de comprendre ce qui nous arrivait, cruellement blessés dans nos rêves de vie parfaite, nous nous sommes surpris, un beau jour, au fond du trou, à retrouver ces trois lettres si simples et si puissantes à la fois : « oui ! »
Ce petit « oui » murmuré du bout des lèvres, dans le silence de notre chambre ou d’une chapelle déserte, ce minuscule « oui » que nous avons eu tant de mal à articuler et que personne d’autre que nous ne pouvait d’abord entendre tant il était prononcé au plus intime de notre fragilité, ce « oui » de la faiblesse et de l’abandon, il est devenu, en écho tout chétif du grand « oui » sonore et solennel prononcé quelques années plus tôt, le rocher auquel nous avons pu nous accrocher pour ne pas couler, le roc où nous avons pu reconstruire notre maison. Et nous avons découvert que c’est ce tout petit « oui », ce « oui » tout bricolé d’incertitudes et de blessures, ce « oui » encore saignant et bariolé de sparadraps maladroits, qui nous permettait de nous relever. Nous avons compris que le « oui » tonitruant du jour de notre mariage, un peu à l’image des rodomontades de Pierre qui assure le Seigneur qu’il ne l’abandonnera jamais, même si tous les autres venaient à le trahir, notre « oui » fier et dominateur, où nous pensions maîtriser notre vie, n’était rien à côté de ce « oui » minuscule et inespéré que nous étions soudain capables de prononcer au cœur de notre souffrance.
Ce temps de la Passion et de Pâques que nous venons de vivre est bien le contraire du temps du « non » qui résonne en boucle dans les médias planétaires. « Oui ! Le Christ est ressuscité ! » C’est là notre vie, notre foi, notre espérance. « Oui ! » Notre vie conjugale se retrouve unifiée dans ce « oui » du Christ ! N’est-ce pas aussi la bonne nouvelle du salut ?
Alléluia ! Bien fraternellement
Emmanuel et Marie, en ce 25 mars 2021, jour béni de l’Annonciation
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