Compte rendu de la journée de réflexion sur l’accueil et l’accompagnement des fidèles divorcés.
Miséricorde et Vérité donnait rendez-vous le 24 novembre dernier à ses adhérents et amis à la maison diocésaine de Paris pour une nouvelle journée de réflexions et d’échanges. Créé en 2002 à l’initiative du Père Jacques Nourissat, d’abord à Dijon, puis à Paris, Miséricorde et Vérité est un groupe de réflexion formé de prêtres, diacres et laïcs qui s’est donné pour objectif d’approfondir l’accompagnement pastoral des fidèles divorcés engagés ou non dans une nouvelle union, dans la fidélité à l’enseignement du Christ dans l’Evangile et dans son Eglise. Le Père Gérard Berliet en est son président.


Depuis plusieurs années des membres de la Communion participent à cette journée sur les conséquences du divorce dans les familles. Au fil du temps des liens se sont tissés entre les deux mouvements. Beaucoup de sujets ont été abordés pendant cette journée. Pour ma part, j’en ai retenu surtout deux :

  • le compte-rendu du père Gérard Berliet, présent au Synode des évêques sur la famille, avec pour thème « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation » ;
  • une présentation du parcours Miséricorde et Vérité faite par lui- même.

1. Compte-rendu du Synode des évêques sur la famille.
Un synode est un moment de dialogue ecclésial. D’abord les évêques ont pris la parole sur les remontées des questionnaires selon 3 thèmes :

  •   Comment communiquer l’Evangile de la Famille ?
  •   Quels sont les nouveaux défis pour la Pastorale Familiale et comment y répondre ?
  •   Comment répondre aux nouveaux défis éducatifs en lien avec l’ouverture à la vie ?

Le cardinal Erdö a débuté en précisant que ce synode est une méthode de discernement et médicinale sur la famille entière à regarder selon la beauté et la vérité de l’Evangile. La vérité fait du bien à la personne, elle-même capable de sainteté. Un synode permet de fixer des lignes directrices à réaliser dans la collégialité en les confrontant aux réalités pastorales et en s’appuyant sur les fondements théologiques. Porté dans la prière, ce synode a pour mission de produire les fruits que Dieu veut. Puis les situations pastorales différentes selon les continents ont été présentées :

  • Au Moyen-Orient, l’effet de la guerre sur la famille, ainsi que les questions de mariage mixtes catholiques et orthodoxes avec des motifs de nullité de mariage différents. Dans ces pays les catholiques sont très minoritaires et donc se marient avec d’autres.
  • En Afrique, la pression des organismes internationaux exigeant l’avortement contre soutien financier, la pratique des mariages coutumiers qui s’étalent dans le temps d’une vie des époux...
  • L’Amérique du Sud et surtout l’Asie sont confrontées aux trafics d’enfants, à la prostitution des jeunes ; beaucoup de femmes élèvent seules leurs enfants en Amérique du Sud.
  • En Occident, le remariage, l’homosexualité... 
A partir d’un texte intermédiaire, des groupes de travail ont été constitués avec pour objectif de dialoguer selon les questions suivantes : 
 Comment maintenir le trésor théologique et spirituel et amener les personnes à le découvrir, quelles que soient les situations ?
  • Comment prendre en compte la variété des situations tout en respectant l’universalité ?
  • Comment toucher la question de la discipline en lien avec la foi ?
  • Comment rendre accessible aux familles la théologie ?
  • Comment transmettre cette conviction comme quoi le mariage et la famille sont adaptés à notre temps, en s’appuyant par exemple sur la théologie du corps de saint Jean-Paul II ?


Il est essentiel de voir, juger et agir selon le regard du Christ, pour aborder les situations familiales complexes sans pour autant justifier le péché. Une famille qui vit l’Evangile est évangélisatrice. L’Eglise ne doit être présente que pour les sacrements, mais a pour mission d’accompagner les familles tout au long de la vie, notamment dans les moments de crise. La question de la gradualité a été abordée dans le sens suivant : l’Eglise précisant le cadre, la réponse de la personne est graduelle. C’est là toute la miséricorde de Dieu. Pour reprendre les mots de saint Augustin : « l’homme est voué à Dieu ». L’homme est lui-même un sacrifice et il fait miséricorde en plaisant à Dieu. L’enjeu de la formation des prêtres et des laïcs pour accompagner les familles a été souligné, comme celui de proposer un langage accessible sur le mariage et la famille.

  • Il s’agit d’être clair sur les fondements théologiques du mariage.
  • L’Eglise, experte en humanité, a pour responsabilité de dire quand il y a un mal objectif sans condamner la personne. 


Le Pape François a été présent et attentif aux travaux menés. Seuls 3 articles (52, 53, 55) dans le document final « Relatio Synodi » ont été difficilement rédigés. Ils concernent la pratique des sacrements et le remariage, ainsi que l’orientation sexuelle des personnes. Au final, des pistes de travail ont été proposées localement en vue du prochain synode :

  • Qu’est-ce qui est constitutif du mariage sacramentel ?
  • Qu’est-ce que la théologie du corps de façon accessible ?
  • Quel est le lien entre mariage et eucharistie ? Indissoluble, ça veut dire quoi ?
  • Quel est le lien entre l’Eglise et les sacrements touchant la communauté ecclésiale ?
Comment rendre compte de ce lien pour faire comprendre la discipline tout en ayant un regard vrai et miséricordieux ?

Gérard Berliet a retenu de ce synode, un apaisement, des relations fraternelles riches et un approfondissement des sujets en écho aux réalités concrètes des familles. Les « travaux pratiques » de Miséricorde et Vérité, initiés par Jacques Nourissat avec le Père Eric Jacquinet, sont confortés par ces premières conclusions et nouvelles réflexions.


2. Présentation du parcours Miséricorde et Vérité.
Le point de départ de ce parcours est de revenir sur le baptême et l’expérience religieuse de la personne. « A quoi reconnais-tu que tu es baptisé ? » Il s’agit pour la personne de mettre des mots sur les valeurs qui sont essentielles dans sa vie, comme celle de la religion catholique. En partant de son expérience, la personne peut exprimer comment elle vit la foi ? Quelle est sa relation avec le Christ ? Cela lui permet aussi de lutter contre le sentiment d’exclusion. La démarche par l’expérience proposée a pour but d’aider la personne à s’intérioriser dans la vie de l’Esprit (silence, Parole de Dieu), voire l’éveiller à cette vie. Le baptême est une dynamique de vie à reconnaître en soi en vue de repartir de là. Quelques exemples de gestes concrets en vue d’accueillir la personne comme le Christ l’a fait :

 

 

  • Présence de l’évêque qui dit un petit mot personnel,
  • Signe de croix avec une main plongée dans l’eau baptismale (mémoire de la liturgie baptismale qui fait de chacun un enfant de Dieu)...

Ensuite, il s’agit de s’interroger sur la façon dont la personne écoute la Parole de Dieu. Est-ce qu’elle intériorise surtout ce qui l’arrange ? Concernant l’Eucharistie : « es-tu-allé à la messe récemment ? Si oui, par quel chemin le Christ vient-il à ta rencontre pendant la messe ? Est- ce par la communauté, les amis, la Parole, la liturgie...? ». Cela permet de reconnaître que le Seigneur est là et qu’Il rejoint les fidèles divorcés remariés, pas uniquement dans l’Eucharistie.
L’objectif est aussi de lutter contre le sentiment d’exclusion. L’Eucharistie est-elle un dû ou un don gratuit pour la personne ? Si le Christ me donne sa vie, personne n’y a droit. L’enjeu est d’aider les personnes à découvrir que c’est un don. L’adoration eucharistique, que représente-t-elle ? Est-ce une autre forme de communion ?
Puis, il est proposé d’approfondir le lien entre sacrement de mariage et celui de l’eucharistie. L’obéissance aveugle a ses limites. Si la personne choisit de ne pas communier, cela relève de sa propre décision et cela l’ouvre à la fécondité.
Donner sens au fait de communier spirituellement est aussi une manière d’honorer mon oui donné et mon sacrement de mariage, d’être présent à la vie en communauté, et d’être attentif à la souffrance des enfants. « Tu restes le père ou la mère de tes enfants. Ce lien subsiste ». Le retour espéré par les enfants de leurs parents est rendu plus impensable en cas de remariage. Le mariage d’un enfant est un moment important où il est important de l’écouter en vérité.
Autres questions abordées en fin de parcours :

  • Comment la communauté ecclésiale peut-elle soutenir l’attention aux enfants ? Par exemple, il est important d’être clair sur les rôles de chacun : la mère, les enfants et le nouveau conjoint... les grands-parents.
  • Comment la communauté peut-elle aider à prendre conscience que le lien sacramentel valide demeure source de bénédiction pour tous, même lorsqu’il y a nouvelle union ? Ce mystère est trinitaire en lien avec la rédemption, c’est-à-dire que le Christ ne nous abandonne pas. Nous constatons avec le temps des merveilles de pacification des personnes.

Je garderai le souvenir de la fraternité et le souci de la vérité entre les participants pour échanger paisiblement.
Eric Jacquinet nous a touchés en reprenant cette phrase de Mgr Lustiger : « En ne communiant pas vous ne vous en éloignez pas, vous vous en rapprochez, en comparaison avec celui qui communie alors qu’il est dans une situation de ne pas le faire ».
Me sont revenus en mémoire ces mots que nous avions échangés,
Jacques Nourrissat et moi, à propos de la tentation de l’homme et de la femme d’être créateur de leur amour, alors que l’amour se reçoit d’un autre. Nous avions aussi débattu sur cette question: «comment laisser le Christ rejoindre notre amour humain ? ».
Après cette rencontre « Miséricorde et Vérité », je compléterais par celle-ci : « comment laisser le Christ aimer en nous quelles que soient nos situations ? ».
Vincent (Bordeaux) - AQUITAINE