Si nous devions expliquer ce qu’est la sanctification, nous pourrions peut-être dire qu’elle est la réalisation concrète de la sainteté : il s’agit pour les époux, dans le cadre du mariage, de progresser vers la sainteté et de se laisser entraîner par le conjoint. Jean-Paul II énonçait ainsi « la vocation du couple : appel à la perfection consacrée par le sacrement du mariage »1.
Dieu a pour nous un projet d’amitié et d’unité qui se nomme la grâce. Être en état de grâce, c’est être en état d’amitié avec Dieu. Le Christ nous a offert les sacrements pour communiquer sa grâce et pour la renouveler. Le mariage permet ainsi à la famille d’être le lieu de la sanctification, c’est-à-dire un lieu où nous pouvons progresser dans l’union à Dieu. Ainsi le "OUI" mutuel que les époux prononcent le jour de leur mariage, ce "OUI" par lequel ils consentent à s’unir l’un à l’autre pour toujours est élevé, purifié et transfiguré par la force du sacrement. À chaque fois que deux époux renouvellent ce "OUI" initial, ils grandissent en grâce, en sainteté, en union à Dieu. Marqués par le péché originel, nous mesurons bien à quel point notre amour - si fort soit-il - peut être marqué par la tentation de l’égoïsme. Mais avec la grâce de Dieu, tout amour humain se trouve guéri, transformé, purifié. Le sacrement de mariage permet ainsi d’apprendre à aimer en vérité.
Quelle joie de découvrir, pas à pas, l’aventure concrète de sainteté dans laquelle les époux s’engagent en recevant le sacrement de mariage ! En effet, chaque fois qu’ils renouvellent le "OUI" de leur mariage, par un service rendu, un sourire mutuel, une écoute patiente et délicate de l’autre, ils grandissent en sainteté, en union à Dieu. L’acte le plus ordinaire de la vie conjugale devient, par la force du sacrement, un moyen d’aimer Dieu. Les époux sont sanctifiés dans le mariage en ce sens que l’amour quotidien qu’ils se portent les dispose à grandir dans l’amour partagé et dans l’amour de Dieu lui-même.
En outre, la grâce du sacrement de mariage devient contagieuse puisqu’elle s’étend à tous les membres de la famille. En vivant la fécondité, à travers leurs enfants et aussi à travers toute relation humaine authentique, les époux participent à l’œuvre du Créateur. La tradition chrétienne désigne volontiers la famille comme une "petite Église"2 pour signifier qu’elle trouve son unité dans la recherche de la charité et devient ainsi une demeure de Dieu.
Je peux imaginer la question qui vient alors dans votre esprit, je me la pose moi-même : qu’en est-il lorsque l’un des conjoints ne partage pas la foi ou que l’un des conjoints se retrouve seul, abandonné par l’autre ? Si nous parlons de sanctification par les époux, comment cela peut-il se faire si l’autre n’est plus là physiquement ? Nous arrivons là au cœur du sujet et nous ne sommes pas assurés à l’avance d’y voir entièrement clair ni de trouver les mots adaptés.
Comme chacun le sait, l’une des caractéristiques propres du mariage, qui distingue ce sacrement des six autres, concerne l’engagement de deux personnes. L’engagement du mariage n’existe pas sans la présence de l’autre, sans l’engagement mutuel des deux époux, sans la libre participation de l’un et de l’autre. Encore faut-il ajouter que le mariage ne consiste pas en une fusion : chacun conserve sa conscience, sa liberté, ses aspirations. Par conséquent, il n’est pas question d’imposer à l’autre son bon vouloir. Nul ne peut donc être tenu entièrement responsable des errements de son conjoint. De manière particulière, le chemin de foi est à la fois partagé et propre à chacun. Par conséquent l’éloignement de l’un, voire le renoncement de l’un aux promesses du mariage, n’empêche pas l’autre de continuer à grandir sur la voie de la fidélité au sacrement du mariage ni d’accueillir la grâce du mariage que le Seigneur ne cesse jamais de renouveler dans le cœur des personnes mariées. C’est bien l’attachement à la personne du Christ qui nous permet d’avancer en toute circonstance, de tenir bon dans l’épreuve, de nous relever après la chute, de traverser le temps du désert.
La conséquence de cet acte de foi est la suivante : ce qui est dit du sacrement de mariage, de la grâce du sacrement, de l’engagement conjugal, peut encore être vécu lorsque s’impose l’épreuve de la solitude. « Voilà la force essentielle et fondamentale : l’amour greffé dans le cœur (“répandu dans les cœurs”) par l’Esprit Saint [...] Les époux doivent implorer par la prière cette force essentielle et toute autre aide divine ; ils doivent puiser la grâce et l’amour à la source toujours vive de l’Eucharistie; ils doivent, avec humble persévérance, surmonter leurs propres manquements et leurs propres péchés, en ayant recours au sacrement de pénitence. Voilà les moyens - infaillibles et indispensables - nécessaires pour former la spiritualité chrétienne de la vie conjugale et familiale »3.
« Il ne faut pas se méprendre sur cet idéal de perfection comme s’il supposait une sorte de vie extraordinaire que seuls quelques “génies” de la sainteté pourraient pratiquer. Les voies de la sainteté sont multiples et adaptées à la vocation de chacun. Je remercie le Seigneur, qui m’a permis de béatifier et de canoniser ces dernières années de nombreux chrétiens, et parmi eux beaucoup de laïcs qui se sont sanctifiés dans les conditions les plus ordinaires de la vie. Il est temps de proposer de nouveau à tous, avec conviction, ce “haut degré” de la vie chrétienne ordinaire : toute la vie de la communauté ecclésiale et des familles chrétiennes doit mener dans cette direction. Il est toutefois évident que les parcours de la sainteté sont personnels, et qu’ils exigent une vraie pédagogie de la sainteté qui soit capable de s’adapter aux rythmes des personnes. Cette pédagogie devra intégrer aux richesses de la proposition adressée à tous les formes traditionnelles d’aide personnelle et de groupe, et les formes plus récentes apportées par les associations et par les mouvements reconnus par l’Église »4.
Ainsi donc, l’engagement qui est le vôtre depuis le jour de votre mariage et que vous poursuivez désormais au sein de la Communion Notre-Dame de l’Alliance représente une modalité concrète du chemin vers la sainteté. « Votre engagement pour la fidélité est un exemple patent de la valeur du sacrement de mariage. Nous vous encourageons à poursuivre avec courage votre cheminement de foi et à essaimer ces valeurs dans nos communautés ecclésiales pour une redécouverte de la vérité de ce sacrement »5.
« Quand nous scrutons devant Dieu les chemins de la vie, il n’y a pas de domaine qui soit exclu. Sur tous les plans de notre vie, nous pouvons continuer à grandir et offrir quelque chose de plus à Dieu, y compris sur les plans où nous faisons l’expérience des difficultés les plus fortes. Mais il faut demander à l’Esprit Saint de nous délivrer et d’expulser cette peur qui nous porte à lui interdire d’entrer dans certains domaines de notre vie. Lui qui demande tout donne également tout, et il ne veut pas entrer en nous pour mutiler ou affaiblir mais pour porter à la plénitude. Cela nous fait voir que le discernement n’est pas une autoanalyse intimiste, une introspection égoïste, mais une véritable sortie de nous- mêmes vers le mystère de Dieu qui nous aide à vivre la mission à laquelle il nous a appelés pour le bien de nos frères »6.
P. Benoît PIERRE (diocèse du Mans) lors de la récollection du groupe Pays de la Loire des 9-10 février à La Pommeraye.
1 Jean-Paul II, Homme et femme il les créa, Cerf, 2004, p. 250.
2 Cf. Décret sur l’apostolat des laïcs Apostolicam Actuositatem, n. 11.
3 Saint Jean-Paul II, Homme et femme il les créa, op. cit., p. 653.
4 SaintJean-Paul II, lettre apostolique Novo millenio ineunte n. 31.
5 Cardinal Ladaria Ferer L., Lettre adressée à la CNDA, 2 février 2018. 6 Pape François, Gaudete et exsultate, op. cit., n. 175.