« Cette fois ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ! »

Ci-dessous la seconde partie d’une lettre pastorale écrite par le Père Grégoire Bellut, curé de Joinville-le-Pont, à destination des fiancés. 

Bruno (Champigny)

ADF 349 ens 21/ Le mariage, lieu de la beauté de la relation
Les époux peuvent se tourner vers leurs épouses en s’écriant « Que tu es belle ma bien aimée » . Un chant de louange, qui peut être repris par tous comme un geste d’admiration de l’œuvre de Dieu dans son expression humaine. Et les épouses peuvent répondre à leurs maris « Ah ! Que tu es beau, mon bien-aimé : tu es la grâce même ! ». 

Le mariage est donc la célébration de la beauté de Dieu dans notre vie par l’altérité. L’autre devient le passage vers la sainteté dans la complémentarité des rapports humains, homme-femme et de l’alliance qui se dessine comme une promesse en réalisation. En effet le mariage est un appel au bonheur. Ce n’est pas juste un son de cloche dans nos vies mais bien une onde de choc, qui change tous nos rapports dans cet ajustement à l’autre, à travers ses richesses et ses pauvretés, à travers notre histoire, ses lourdeurs et ses merveilles. 

L’alliance dans la fidélité est un appel à la joie parfaite, qui ouvre à la fécondité des enfants comme lieu de réalisation de la grâce de Dieu, à l’indissolubilité - colonne vertébrale de tous nos choix de vie et de nos engagements - et à la liberté d’entrer dans le service par le don sincère de soi-même. 

2/ Le mariage, une joie pour Dieu
Oui, le mariage est une joie de Dieu pour trois. La joie se comprend dans cette communion de l’époux et de l’épouse, qui invite à la communion avec Dieu dans un échange incessant à trois où nous sommes invités à L’entendre marcher dans notre jardin familier, à venir à sa rencontre pour dialoguer avec Lui et réchauffer nos cœurs en sa présence. 

ADF 349 ens 1Mais le mariage est aussi une joie à cinq personnes, car Dieu est Trinité, qui nous rappelle la Parole comme lieu de liberté, l’incarnation comme lieu de réalité et la prière comme lieu de dialogue et du don gratuit. L’invitation à la joie dans le mariage est bien une exploration quotidienne d’un dialogue fructueux à développer à deux. C’est d’ailleurs la définition du dialogue qui demande l’écoute et l’attention pour évoluer ensemble par rapport au monologue, même à deux voix car souvent statique, assis sur des positionnements infructueux. 

En même temps, dans un monde qui se veut libéré de toutes les normes, il faut rappeler que le mariage a des règles. Notamment la première, d’avoir une histoire à vivre à deux - et non en parallèle - une histoire qui s’enrichit de la présence de l’autre et se révèle féconde à travers le témoignage aux autres et l’acceptation de la vie au sein de la famille.
L’autre norme demande la confiance en l’autre, pour vivre ce temps comme un épanouissement personnel et en couple, c’est la notion même de fidélité. Accepter les tensions, comme les joies, dans un rapport ouvert au dialogue et à l’acceptation des limites de l’autre. Fuir ailleurs est souvent un signe de faiblesse et l’illusion mortifère d’une fascination par la nouveauté qui rendrait plus libre, mais en même temps aliène concrètement dans une superficialité désespérante. 

La relation engage dans le temps pour vivre quelque chose jusqu’au bout de soi-même et, pourrait-on dire, même si la mort nous sépare. Une réalité du lien que certains perçoivent comme absolue, qui transcende le monde et passe pour avoir un gout d’éternité. D’ailleurs la question peut être posée : la mort est-elle la fin du lien ? Dans la théologie sacramentelle, la réponse est positive. Parfois dans les relations humaines, il y a une volonté de refaire un couple, comme lieu de complémentarité. Mais certains veufs ou veuves restent fidèles à un sacrement jugé éternel. La pérennité du mariage pour toujours ne peut être déniée par l’affirmation qu’il n’y aurait plus ni mari ni femme au paradis en réponse à la question des sadducéens posée à Jésus. Pourquoi ? Parce que la beauté du lien engagé dans un sacrement - quel qu’il soit - a toujours, dans l’engagement et la responsabilité de la personne qui le vit, quelque chose d’éternel. Néanmoins il faut bien penser que nos mots sont faibles pour représenter la richesse du sacrement et la prolixité dela relation. Avoir une vision humaine du Paradis n’est pas rendre compte de la richesse de la civilisation de l’amour. Car l’amour se découvre davantage chaque jour et est le fruit du murissement de la relation à l’autre. 

Ainsi, la joie de Dieu est une ouverture à la rencontre qui passe par l’incarnation relationnelle. Il ne s’agit pas de prier Dieu en délaissant une moitié de soi. C’est bien dans l’intégralité du couple que la prière est lieu de rencontre, chacun selon ses charismes, respectant sa manière d’être et de prier et la possible transformation de sa vie sous le regard du Christ et dans le souffle de l’Esprit. La joie est reconnaissance d’une Terre promise après bien des efforts et des difficultés pour ajuster sa vie à la volonté de Dieu. La joie n’exempte pas des épreuves ni des difficultés quotidiennes, mais elle se recueille dans la sagesse de l’expérience humaine et la vraie rencontre qui demande l’amour, le pardon et l’action de grâce. « Vois, l’hiver s’en est allé, les pluies ont cessé, elles se sont enfuies. Sur la terre apparaissent les fleurs, le temps des chansons est venu et la voix de la tourterelle s’entend sur notre Terre. Le figuier a formé ses premiers fruits, la vigne fleurie exhale sa bonne odeur. Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens… » . La joie de la relation est un poème d’amour lorsque Dieu est au centre de notre vie. Nous devons en faire une composition en vers dans tous les actes que nous posons, essayant d’accorder nos pas aux pas de l’autre et d’avancer ensemble pour un monde meilleur. La vie de famille porte la société et dit quelque chose du bien commun. 

ADF 349 ens 43/ L’ère du soupçon
Je redis l’appel à la joie qu’est le mariage dans cette nouvelle ère du soupçon dans la relation à l’autre, de la diffusion des divorces comme inéluctables à toute rencontre et de la réduction de la liberté de l’autre dans une vie de dénégation et de galère. Certes la joie du mariage n’exempte pas des écueils de l’individualisme ou du renfermement sur soi, ni de la fascination idolâtrique devant la séduction du travail, du pouvoir ou de l’autre. Tout cela est vrai, mais n’est certainement pas premier. Le combat spirituel n’est pas le tout de la foi. Nul ne s’engage dans la relation avec le Christ en recherchant le martyre. Mais le mariage, s’il est vécu dans la prière, s’il respecte la dignité de chacun, s’il se conjugue dans le dialogue avec l’autre et l’attention au quotidien, est une vraie joie que nul ne peut ravir. 

Qu’il y ait des écueils, c’est une évidence, dans une société qui prône le culte du résultat et de l’apparence : vivre en profondeur sa relation amoureuse demande beaucoup d’abnégation, de tâtonnements, d’écoute et d’ajustements. Les séduisantes attirances vers d’autres valeurs nous demandent un enracinement dans la foi et la capacité de résister, en méditant la Parole dans la confiance en la tradition apostolique. Il y a une vraie joie dans l’engagement pour toujours, parce que les richesses relationnelles et la stabilité de vie que cela apporte sont sources de bonheur. 

Mais les attaques contre le couple sont récurrentes et se veulent modernes, alors qu’elles étaient déjà présentes dans l’antiquité. Ainsi l’union libre, qui sévit à Rome au temps d’Auguste (de 27 avant JC à 14 après JC), celui-ci demandant aux Romains de se marier pour régulariser les situations matrimoniales, a vu se développer un concubinage endémique. Les unions libres d’aujourd’hui sont des caisses de résonnance de l’antiquité qui ne peuvent se prévaloir d’une quelconque modernité. D’autres accusent le temps pour dire que vivre à deux pour un CDD, c’est possible, mais que lorsque cela dure 50 ans, c’est du domaine de l’exploit. La relation à deux dans une pleine communion a toujours un goût d’éternité qui reflète la civilisation de l’amour, que cela soit de quelques semaines à plusieurs décennies. Le choix de vie ancré sur la décision de vivre son oui en toute circonstance est un lieu d’épanouissement, certes avec des épreuves, mais aussi avec tant de succès que la joie d’être ensemble prime sur tout le reste. 

Les échecs apparents ne sont pas une justification au refus de s’engager. Certes, il peut y avoir des couples qui ne sont pas stables, des conflits et des vies à deux qui se révèlent difficiles. Parfois l’engagement conjugal est plus une fuite devant la solitude ou un refuge vers un "conjoint-médicament". Mais ne nous décourageons pas car le mariage demande la vertu d’espérance en la finalité du Salut promis à tous. 

Synthèse
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Comprenons-le bien, la joie n’est pas un mythe ni une belle histoire qui se raconte de génération en génération. La joie dans le mariage est la réalisation d’un ajustement à l’appel de Dieu dans la vie de chacun et dans la vie à deux. « La civilisation de l'amour appelle à la joie : entre autres, la joie qu'un homme soit venu au monde et donc, pour les époux, la joie d'être devenus parents. La civilisation de l'amour signifie "mettre sa joie dans la vérité". » Si je me sais sauvé par Jésus, ma joie demeure en toute circonstance et dans le rayonnement de sa présence. Or, la joie dont parle le Christ est celle de la présence de la Personne-Don dans notre vie, qui nous invite à nous donner nous-mêmes. « L’homme, seule créature sur Terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don sincère de lui-même ». La joie naît du don, se reconnaît dans le don et se témoigne par le don. Or, le mariage par l’alliance des époux est un des sacrements du don. 

Ainsi la prière de notre communauté en Eglise demande d’être attentifs à la vie de l’Esprit qui nous habite. Dois-je rappeler ici l’importance du sacrement de confirmation comme lieu du don de Dieu par pure grâce ? « L'Eglise, qui inclut en son cœur tous les cœurs humains, demande à l'Esprit Saint la béatitude qui trouve en Dieu seul sa réalisation totale : la joie que "nul n'enlèvera", la joie qui est le fruit de l'amour et donc fruit de Dieu qui est Amour ; elle demande "la justice, la paix et la joie dans l'Esprit Saint" qui constituent, selon saint Paul, "le Règne de Dieu" ». Ainsi œuvrer, par le sacrement du mariage, à vivre du fruit de l’Esprit Saint qu’est la joie, c’est élargir la civilisation de l’amour à notre demeure. Les témoins sont là pour entendre votre oui et, tout au long de votre vie, témoigner de l’engagement de Dieu et recueillir les fruits de votre joie. « Je suis descendu au jardin du noyer voir le vallon qui verdoie, voir si la vigne bourgeonne, si les grenadiers sont en fleurs »

Père Grégoire Bellut, accompagnateur du groupe du Val-de-Marne