enseignement adf 350 1Celui qui prie ne tourne pas le dos au monde. Une prière qui ne recueille pas les joies et les douleurs, les espérances et les angoisses de l’humanité devient une activité « décorative », une attitude super-ficielle, voire théâtrale, une attitude narcissique. Nous avons tous besoin d’intériorité : nous avons besoin de nous retirer dans un espace et un temps consacrés à notre relation à Dieu. Ce qui ne signifie pas fuir la réalité. Dans la prière, Dieu « nous prend, nous bénit, et puis nous rompt et nous donne », pour assouvir la faim de tous. Chaque chrétien est appelé à devenir, dans les mains de Dieu, pain rompu et partagé. Il est donc appelé à une prière concrète, qui ne soit pas une fuite.

 Ainsi les hommes et les femmes qui prient cherchent la solitude et le silence non pas pour ne pas être gênés par les autres, mais pour mieux écouter la voix de Dieu. Parfois ils se retirent du monde, dans le secret de leur chambre, comme le recommandait Jésus (cf. Mt 6, 6) mais, où qu’ils soient, ils laissent toujours grande ouverte la porte de leur cœur : une porte ouverte pour ceux qui prient sans savoir prier ; pour ceux qui ne prient pas du tout mais qui portent en eux un cri étouffé, une invocation cachée ; pour ceux qui se sont trompés et qui sont égarés… Quiconque peut frapper à la porte d’une personne qui prie et trouver en elle un cœur plein de compassion, qui prie sans exclure personne. La prière vient de notre cœur, elle est notre voix, et elle se fait le cœur et la voix de tous ceux qui ne savent pas prier ou qui ne prient pas, qui ne veulent pas prier, ou pour qui il est impossible de prier : nous sommes le cœur et la voix de ces personnes, la voix qui monte vers Jésus, vers le Père, comme des intercesseurs. Dans la solitude - qu’il s’agisse d’un long temps de solitude ou d’un temps d’une-demi-heure pour prier - celui qui prie se sépare de tout et de tous, pour retrouver tout et tous en Dieu. Ainsi celui qui prie prie pour le monde entier, prenant sur lui les douleurs et les péchés. Il prie pour tous et pour chacun : c’est comme s’il était une « antenne » de Dieu dans le monde. Dans tout pauvre qui frappe à la porte, dans toute personne qui a perdu le sens de la vie, celui qui prie voit le visage du Christ.

 enseignement adf 350 2Le Catéchisme dit : « Intercéder, demander en faveur d’un autre (…) est le propre d’un cœur accordé à la miséricorde de Dieu ». C’est magnifique. Quand nous prions, nous sommes accordés à la miséricorde de Dieu - qui est miséricordieux avec nous : miséricorde envers nos péchés mais aussi miséricorde envers tous ceux qui ont demandé que l’on prie pour eux, ceux pour lesquels nous prions en étant accordés au cœur de Dieu. Voilà la vraie prière. Accordée à la miséricorde de Dieu, cœur miséricordieux. « Dans le temps de l’Église, l’intercession chrétienne participe à celle du Christ : elle est l’expression de la communion des saints ». Qu’est-ce que cela signifie, participer à l’intercession du Christ, quand on intercède pour quelqu’un ou que l’on prie pour quelqu’un ? En fait le Christ devant le Père est intercesseur, il prie pour nous, et il prie en montrant au Père les plaies de ses mains ; Jésus, physiquement, avec son corps, se tient devant le Père. Jésus est notre intercesseur, et prier c’est donc un peu faire comme Jésus : intercéder en Jésus auprès du Père, pour les autres. C’est très beau.

Ce qui importe dans la prière, c’est l’homme. Tout simplement l’homme. Celui qui n’aime pas son frère ne prie pas vraiment. On peut dire cela : on ne peut pas prier dans un esprit de haine ; on ne peut pas prier dans un esprit d’indifférence. La prière ne se donne que dans un esprit d’amour. Celui qui n’aime pas fait semblant de prier, ou bien il croit prier, mais il ne prie pas parce qu’il manque l’esprit qu’est l’amour. Dans l’Église, celui qui connaît la tristesse ou la joie de l’autre va plus en profondeur que celui qui explore les « grands mystères ». C’est pourquoi il y a une expérience de l’humain dans chaque prière, car les personnes, quelles que soient leurs erreurs, ne sont jamais rejetées ou écartées.

Lorsqu’un croyant, mû par l’Esprit Saint, prie pour les pécheurs, il ne fait pas de sélection et n’émet pas de jugement ou de condam-nation : il prie pour tous. Et il prie aussi pour lui-même. Dans ces moments-là, il sait qu’il n’est pas non plus si différent de ceux pour qui il prie : il se sent pécheur parmi les pécheurs, et il prie pour tous

enseignement adf 350 3La lecture de la parabole du pharisien et du publicain est toujours vivante et actuelle (cf. Lc 18, 9-14) : nous ne sommes pas meilleurs que les autres, nous sommes tous frères dans une fragilité et une souffrance commune, et dans notre condition de pécheurs. Voici donc une prière que nous pouvons adresser à Dieu : « Seigneur, aucun vivant n’est juste devant toi (cf. Ps 143, 2) – c’est ce que dit le psaume ; Seigneur, aucun vivant n’est juste devant toi », aucun de nous : nous sommes tous des pécheurs - nous sommes tous des débiteurs qui ont des comptes à rendre ; personne n’est immaculé à tes yeux. Seigneur, aie pitié de nous ! ». Et dans cet esprit, la prière est féconde, parce que nous allons avec humilité devant Dieu prier pour tous. Au contraire, le pharisien priait en se faisant remarquer : « Je te remercie, Seigneur, par ce que je ne suis pas comme ces pécheurs : je suis juste, je fais toujours tout… » Ce n’est pas une prière : ceci, c’est se regarder dans le miroir, se regarder soi-même, se regarder dans le miroir déformé par la vanité.

 Le monde avance grâce à cette chaîne formée par ceux qui prient en intercédant, et qui sont pour la plupart inconnus… mais pas de Dieu ! Il y a tant de chrétiens ignorés qui, en temps de persécutions, ont su répéter les paroles de notre Seigneur : « Père, pardonne-leur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34).

Le bon pasteur reste fidèle même lorsqu’il constate le péché de son propre peuple : le bon pasteur continue à être père même quand ses enfants s’éloignent et l’abandonnent. Il persévère dans son service de pasteur même envers celui qui le conduit à se salir les mains ; il ne ferme pas son cœur devant celui qui a pu le faire souffrir.

L’Église, dans tous ses membres, a la mission de pratiquer la prière d’intercession, elle intercède pour les autres. Ceux qui ont une responsabilité en ont tout particulièrement le devoir : les parents, les éducateurs, les ministres ordonnés, les supérieurs de communauté… Comme Abraham et Moïse, ils doivent parfois « défendre » devant Dieu les personnes qui leur sont confiées. En réalité, il s’agit de les regarder avec les yeux et le cœur de Dieu, avec la même compassion et la même tendresse sans faille. Prier avec tendresse pour les autres.

Frères et sœurs, nous sommes tous des feuilles du même arbre : chacune, lorsqu’elle se détache, nous rappelle que nous devons nous soutenir les uns les autres dans la prière. Prions les uns pour les autres : cela nous fera du bien à nous et fera du bien à tous. Merci !

Pape François (décembre 2020),de la part de Marie (La Riche)