Je vous remercie d’avoir fait appel à mon affection et d’avoir bien voulu me réserver l’honneur et la joie de bénir votre mariage. C’est de tout cœur, je vous l’assure que je porterai à l’autel vos vœux et vos prières demandant à Notre Seigneur de faire descendre sur vous, avec la grâce sacramentelle, les surnaturelles faveurs de la Bénédiction Nuptiale.

A côté du cortège choisi qui vous apporte l’honneur de sa présence, le charme de sa sympathie, le gage de son affection, il en est un autre invisible sans doute, mais pourtant très réel, qui vient écouter votre parole et recevoir vos serments.

 

sermon-mariage1De ces témoins mystérieux, le premier est Dieu, l’auteur même du mariage, celui-là qui en a formé les liens de sa main puissante et qui l’a scellé à jamais de sa parole éternelle et de sa bénédiction féconde. Il est ici pour présider à vos noces sachant mieux que personne tout ce qui va se décider pour vous de bonheur et de difficultés, de douces obligations et d’austères devoirs. Il veut, dans sa tendresse infinie vous donner les grâces nécessaires pour assurer la prospérité du nouveau foyer que vous allez fonder.

A ce témoignage divin, le plus haut que l’on pût rêver, vient celui des anges. Il est raconté qu’autrefois, leur présence fut signalée aux noces des patriarches bibliques.

C’est vous dire avec quel intérêt Dieu s’associe aux joies des noces, puisqu’il a donné à de purs Esprits l’ordre de prendre un vêtement de chair et de parler d’une voix humaine, le langage du mariage chrétien.

Ces mêmes Anges qui sont descendus auprès d’Abraham et d’Isaac, les mains pleines des grâces divines vont venir ce matin, se mêler à nos rangs, avec la même mission et chanter dans leur langue que Dieu lui-même écoute, les espérances de votre mariage.

En présence de ce mystérieux entourage, devant ce cortège de parents et d’amis, vous allez bientôt échanger, dans la douce liberté et l’élan joyeux de vos cœurs les serments qui uniront vos destinées l’une à l’autre. L’heuren’est donc pas aux longs discours. Laissez-moi seulement souligner à vos yeux le sens profond de votre démarche, je veux dire les inappréciables bienfaits qu’elle vous réserve comme aussi les austères devoirs qu’elle vous impose.

Le mariage est la plus humaine des institutions, puisqu’il fonde la société humaine ; mais il est aussi l’une des plus manifestement divines, car c’est Dieu qui en a promulgué les lois lorsqu’aux jours du Paradis terrestre, il donna la première bénédiction nuptiale aux premiers époux. C’est lui qui a donné au mariage ces deux caractères d’unité et d’indissolubilité qui garantissent l’honneur et la dignité du foyer conjugal.

Sans doute le mariage est un contrat, mais un contrat élevé à la dignité de sacrement, un contrat qui a Dieu pour auteur, Jésus-Christ pour sanctificateur et l’intimité du Christ avec son Eglise pour symbole. C’est un engagement d’où résulte l’union de deux âmes dans la communauté d’une même vie.

Destinés à faire ensemble le chemin de la vie, à vous soutenir dans les difficultés de la route, vous mettrez en commun vos espérances et vos craintes, vos joies et vos peines, vos sentiments et vos affections, votre avenir, en un mot, vous formerez, selon l’énergique parole de la sainte Ecriture « un seul cœur et une seule âme » et votre intime union modelée sur l’alliance de Jésus-Christ avec son Eglise, empruntera à cette auguste ressemblance sa vraie noblesse et sa force inaltérable.

Vous désirez le bonheur et qui pourrait vous en faire le reproche ? Mais le bonheur, sur cette terre, n’est pas un but digne de fixer à lui seul, nos aspirations. Et d’ailleurs, à le poursuivre uniquement, on risque fort de ne pas l’atteindre. Ce n’est pas vers lui que nous devons tendre, en cette vie. Sachons sacrifier le plaisir au devoir et le bonheur, alors, nous sera donné par surcroît.

Elles sont nombreuses les obligations de la vie conjugale. Comment ne pas éprouver, en fondant un nouveau foyer, le sentiment d’une haute responsabilité ?

sermon-mariage2Comment ne pas sentir la nécessité du support mutuel, de l’assistance mutuelle, surtout dans les jours d’épreuve, alors que le cœur se brise sous les coups d’une douleur à laquelle nulle existence humaine ne saurait échapper.

Permettez-moi de le dire, Mademoiselle, cette vérité est toute à votre honneur et vous êtes digne de la comprendre, c’est à la femme que convient surtout le rôle de consolatrice. Selon la pensée d’unphilosophe contemporain « elle possède une puissance merveilleuse pour ramener le sourire sur les lèvres quand le cœur est déchiré... »

Vos obligations réciproques s’arrêteraient là, si la société familiale restait incomplète, « jusqu’au jour où l’époux et l‘épouse, devenant le père et la mère, ajoutent à leurs devoirs mutuels une charge qu’ils portent en commun, la charge de l’éducation des enfants. »

L’enfant, c’est la joie, la vie du foyer. C’est une grande bénédiction

et un grand honneur que Dieu accorde aux époux quand il daigne les associer à sa souveraine paternité, quand il leur donne de revivre dans desenfants.

Cet honneur, tous ne le comprennent pas, cette bénédiction, il en est qui la repoussent. Comment Dieu pourrait-il répandre ses grâces sur ces calculateurs égoïstes qui méconnaissent et violent la loi primordiale dont le respect assure la perpétuité de la vie et la prospérité des peuples ?

Ces âmes qui vous seront confiées, vous les recevrez comme le plus précieux dépôt. Plus que les autres biens, vous leur communiquerez vos croyances et votre foi.

Pour être fidèles à vos devoirs, vous n’aurez qu’à vous rappeler, tous les deux, de chers et fortifiants souvenirs.

Une mère, ferme et prudente autant qu’affectueuse et dévouée a veillé sur votre jeunesse, Mademoiselle. Elle a pris soin de développer en vous et avec succès, les qualités qui font l’ornement et le mérite d’une femme.

Quant à celui dont vous allez prendre le nom et partager la destinée, pourquoi vous en parler quand tout ce que je pourrai vous en dire risquerait d’alarmer sa modestie et de m’attirer d’aimables reproches sans pour cela vous apprendre rien de nouveau. Vous savez en qui vous avez mis votre confiance et cette confiance, vous avez l’assurance que l’avenir la justifiera.

C’est ainsi que Dieu vous a préparé l’un pour l’autre et qu’il a si bien accordé vos deux âmes. Pourquoi, dans ces desseins impénétrables, a-t-il voulu vous unir dans l’épreuve et frapper dans les deux familles un de ces coups dont la blessure inguérissable se ravive encore en un jour comme celui-ci ! Si j’évoque devant vous les noms de ces deux chefs de famille tendrement aimés, ce n’est pas pour rappeler à votre mémoire des souvenirs aujourd’hui plus vivants quejamais, ni pour réveiller dans votre âme une douleur que je partage avec vous, mais bien plutôt pour vous assurer au nom de la foi et de l’espérance chrétienne qu’ils sont présents à cette cérémonie et qu’ils prennent part à votre fête. « Nos morts ne sont pas morts. Ils ont semblé mourir mais ils vivent au ciel de la vraie vie » et, à cette heure, nous en avons la réconfortante conviction, ils vous contemplent et vous bénissent !

Sous de si heureux présages, commencez donc votre tâche avec confiance et abordez vaillamment la destinée que Dieu vous ouvre, mais laissez-lui sa place entre vous, et ne craignez pas que votre intimité ait à souffrir de sa présence. Dieu n’est de trop nulle part. Prenez pour devise celle de Françoise d’Amboise : « faire, en toute chose, que Dieu soit premier servi ». Alors, mais alors seulement, vous goûterez au foyer de la famille des joies assez douces pour vous dédommager de toutes les épreuves. Vous verrez, selon le mot de la sainte Ecriture, « vos rejetons fleurir comme les jeunes plants d’olivier et faire autour de la table une gracieuse couronne ». Vos enfants croîtront en grâce et en sagesse sous vos yeux ravis, et l’on pourra dire de vous ce que l’Esprit-Saint lui-même a dit de Rachel et Jacob : « les années leur paraissaient des jours, tant ils s’aimaient ».

Et lorsque vous aurez franchi la dernière étape de l’existence d’ici- bas, Dieu, que vous aurez servi et aimé, vous attendra au seuil des demeures éternelles pour vous y unir à jamais.

Jadis, au pays d’Orient, quand la cérémonie nuptiale touchait à sa fin le père ou la mère du fiancé montait à l’autel du sacrifice et prenait les mains des jeunes époux, les attachait avec un fil de laine, symbole de la douceur et de la persistance du lien conjugal. Alors, tous les assistants, élevaient vers le Ciel leurs mains et leurs voix pour en faire descendre les grâces mystiques.

Tous ensemble, nous nous recueillerons devant le serment solennel que vous allez échanger et nous demanderons au Dieu des familles prospères de vous aimer, de vous protéger et de vous bénir !

Eugène Picard, aumônier du Lycée de Coutances, 1923, au mariage des parents de Marie-Thérèse (Dinan) - BRETAGNE