Joyeuse expérience que j’ai vécue l’été dernier : mes premiers pas sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle du Puy-en-Velay à Conques.
En début d'année, j'avais volontiers accepté la vague proposition d'un groupe chrétien de personnes séparées ou divorcées, groupe peu structuré mais reconnu dans le diocèse de Nanterre par l'intermédiaire d'Yves Le Corre, diacre et médiateur familial.
A l'origine, c’est un simple « groupe de parole » basé à Issy-les-Moulineaux et plutôt dans la mouvance de Chemins d'Espérance (Guy de Lachaux) mais très « autocentré » sur sa fondatrice, dynamique animatrice qui multiplie les initiatives à caractère convivial de type randonnées pédestres en Vallée de Chevreuse.
Sous sa seule impulsion, ce projet de pèlerinage de plus d'une semaine est devenu une réalité concrète et particulièrement bien organisée. Seule surprise, tous les hommes se sont finalement désistés et il n’est resté en bout de course que sept femmes (de 35 à 55 ans) et un seul homme, moi-même. Que je ne me dégonfle pas pour autant, cela a beaucoup amusé mes deux filles : « Papa part en vacances avec son harem !... Quatorze ans de CNDA pour en arriver à une situation aussi compromettante !… »
Par acquis de conscience, j'avais proposé à Sophie, ma coresponsable (groupe IDF-NO) de venir me soutenir (ou me chaperonner...) : elle a prudemment décliné l'invitation en se demandant probablement ce que j'allais faire dans cette galère… Il faut dire que je connaissais un peu l'animatrice mais pas, ou très peu, les autres participantes, et que les conditions d'hébergement sont réputées très spartiates. Toutefois, ceux qui me connaissent savent que je suis trop soucieux de mon confort et de mon intimité pour ne pas prendre quelques précautions, en exigeant par exemple une chambre individuelle à chacune des étapes…
Nous nous sommes donc tous retrouvés dans cette belle cité du Puy-en-Velay que j'étais le seul à bien connaître. Dès le départ, on m'a pris pour le guide touristique ou même l'accompagnateur spirituel de ces dames… Mon appartenance à la Communion Notre-Dame de l'Alliance avait été clairement affichée mais sans ostentation ni prosélytisme. La plupart du temps le sujet a été contourné et j'ai découvert petit à petit, et sans surprise, non seulement une grande souffrance liée au divorce et aux relations avec « l'ex-mari », mais aussi une totale incompréhension de l'Eglise et de son magistère perçu comme un dogme désuet en complet décalage avec les réalités humaines et les « avancées scientifiques » en matière de psychologie, sexologie et sociologie.
Cette incompréhension était d'autant plus « frustrante » pour moi que, par ailleurs, je me suis senti plutôt proche et solidaire de ces femmes diverses mais pudiques, soucieuses de leurs enfants mais respectueuses de leurs choix, courageuses et sensibles à la dimension spirituelle de notre périgrination d'églises en chapelles. Tous ces lieux de paix et de recueillement étaient toujours ouverts et accueillants. Sur le chemin, nous avons pu faire de multiples rencontres : un Allemand seul qui avait laissé son épouse à la maison pendant plusieurs semaines, une étudiante anglaise à l'apparence fragile mais à la volonté de fer, des couples de tous âges, une famille « élargie » de Suisses francophones avec une vingtaine d'enfants et d'adolescents qui marchaient un jour sur deux et alternaient chants et témoignages, des séminaristes dominicains qui accueillaient tous et toutes pour un café, un repas, une prière, un chant, un office et même un hébergement d'une nuit ou deux, des routiers Scouts d'Europe qui m'ont touché par la « virilité » de leurs chants et de leurs prières et par leur grande complicité avec le prêtre qui les accompagnait.
Notre groupe a eu tendance à se scinder : à l'avant les plus rapides et les plus silencieux, à l'arrière les plus laborieuses et les plus bavardes… Mais nous nous retrouvions souvent pour le déjeuner et toujours pour le dîner. Que de beaux paysages nous avons traversés, du Velay en Margeride puis en Aubrac et pour finir la vallée du Lot et le Rouergue ! Que de belles villes visitées, le Puy, Saint-Privat d'Allier, Saugues, Saint-Côme d'Olt, Espalion, Estaing et Conques, notre destination finale, abbatiale et bourg médiéval sertis dans un écrin de verdure !Surprise à la chapelle Saint-Roch (sur la route de Saint-Alban à Limagnole) : toute une documentation sur la position de l'Eglise sur le divorce est consultable par les visiteurs. Cela fera réagir très négativement une de mes compagnes de pèlerinage. Elle appréciera par contre le tabernacle ultra moderne (éclairé de l'intérieur) de l'église de Saint-Alban, qui de mon point de vue, fait plutôt penser à un aquarium !… Nous aurons heureusement plusieurs fois l'occasion de concilier nos appréciations notamment lors de nos passages à l'église de Perse ou à la chapelle haute de Saint-Pierre de Bessuéjouls.
Juste pour le plaisir d'y sonner la cloche, j’ai prolongé symboliquement le parcours jusqu'à la chapelle Sainte-Foy, seul et de nuit. La vue sur Conques illuminée y est imprenable tout comme mon cœur toujours pris par celle qui n'est pas là mais qui a quand même pris la peine de m'adresser un texto pour me souhaiter une bonne marche.
Nous nous séparerons le lendemain, un peu en ordre dispersé, puisque certains partiront avant la messe et d'autres après, avec dans la tête ce joyeux refrain :
« Ultreïa ! Ultreïa ! Et suseia ! Deus adjuva nos ! » (Va plus loin ! Plus haut ! Dieu, aide-nous !)