En août 2019, l’été suivant la séparation d’avec mon mari, je me suis décidée à commencer le chemin de Saint-Jacques au départ du Puy-en Velay. Je fais le choix d’y consacrer au moins une semaine par an… c’est donc un programme sur une grosse dizaine d’années qui m’attend pour atteindre Santiago après plus de 1600km de marche. Je reviens de ma 3e étape, sous les « giboulées » de ce mois de mai 2021 et j’avais envie de partager plusieurs réflexions en écho avec notre expérience de Mariés, Séparés, Fidèles.

Partir seul(e)… 

Depuis plusieurs années, je rêvais de partir sur le chemin de Compostelle à la fois pour sa dimension spirituelle et son effort physique ; j’avais essayé de convaincre mon mari, de faire cette expérience, lui qui encore plus que moi aime la marche et la campagne française ; mais, à mon plus grand étonnement, je n’ai jamais réussi à le convaincre. Et quand on doit envisager ses premières vacances en solo après la séparation, finalement quoi de mieux que la marche ? Il était peut-être écrit quelque part que je devais partir seule sur ce chemin… 

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De même que mon choix de « ne pas refaire ma vie » (sous-entendu avec quelqu’un) après avoir été quittée par mon mari pour une autre femme, interroge ma famille et mes amis, même catholiques, j’ai eu plusieurs pressions de mon entourage pour me dissuader de prendre seule le GR65 : « tu vas partir seule ? mais c’est dangereux ! qu’est-ce que tu feras si tu te blesses ? ». Devais-je pour autant m’empêcher d’avancer dans mes projets parce que je suis seule ? C’était mal me connaître…

De plus, j’ai pu découvrir que faire le chemin seul, c’est peut-être même une grâce. Car en étant seul, on est probablement encore plus attentif à la beauté de la nature, recueilli dans les petites chapelles merveilleuses qui rythment les étapes, et disponible pour la rencontre avec les hospitaliers et les pèlerins. De fait, tous ceux qui ont marché sur le GR65 vous confirmeront que sur le « Camino », on ne se sent jamais vraiment seul.

Tous frères et sœurs sur le chemin

Lorsque vous partez marcher et que vous portez votre sac à dos, vous faites un exercice de dépouillement car vous n’emmenez que l’essentiel ! L’objectif : un sac à dos de moins de 8kg, eau et casse-croûte compris, pour que vous ne terminiez pas sur les genoux à la fin de vos 25km quotidiens avec dénivelés. En conséquence, rien ne ressemble plus à un pèlerin qu’un autre pèlerin : bonnes chaussures de rando, vêtements de marche, cape de pluie, gros sac à dos… et pour les femmes, vous renoncez au maquillage et aux bijoux pour laisser dans votre trousse de toilette la priorité à la crème pour les pieds (votre bien le plus précieux) et votre dentifrice. Ainsi, quand vous rencontrez un pèlerin, que ce soit en marchant ou le soir au gite d’étape, vous ne savez rien de son statut social. Sur le chemin, nous sommes tous égaux ! 

Parmi les pèlerins, il y a aussi beaucoup de « cabossés » de la vie… mais la marche a cette vertu de libérer notre cerveau des pensées qui peuvent l’agiter. 

adf 352 temoignage 4C’est probablement pour ces deux raisons, dépouillement et ressourcement, qu’il y a sur le chemin cette atmosphère si fraternelle : le dialogue est facile lorsque l’on se croise, le repas partagé à la table commune le soir dans les gites est l’occasion d’apprendre à se connaître et de se retrouver dans les jours qui suivent à la terrasse d’un café dans un village… en fonction du rythme de marche de chacun. Lors de ma 2e année de marche, en octobre 2020, j’ai fait la connaissance de Pierrette (Toulousaine de 83 ans) et François (Bruxellois de 33 ans). Ce duo improbable s’était rencontré l’été 2019 sur la partie espagnole du chemin et ils avaient décidé de repartir ensemble faire un bout du GR65 depuis le Puy-en-Velay. Nos chemins se sont croisés sur le magnifique plateau de l’Aubrac ; en me voyant seule, ils m’ont proposé de me joindre à eux pour le diner. Nous avons immédiatement sympathisé et poursuivi notre marche ensemble les jours suivants ; nous sommes toujours en contact. 

A la Communion Notre-Dame de l’Alliance, nous sommes comme les pèlerins de Saint-Jacques : l’échec de notre mariage et l’épreuve de la séparation nous ont tous dépouillés d’une certaine façon, et nous arrivons avec humilité devant le Seigneur et devant nos frères. Nous nous retrouvons, jeunes séparés ou vieux fidèles, dans cette ambiance immédiatement fraternelle, et nous nous soutenons pour avancer ensemble avec bienveillance sur le chemin de Mariés, Séparés, Fidèles qui est le nôtre.

Ultreia !

Comme le décrit si bien le blog My Compostela, « Marcher sur le chemin de Compostelle, c’est chaque matin se lever, faire un pas supplémentaire, aller de l’avant vers un but précis… et cela, malgré les douleurs corporelles, la fatigue, la météo etc.

C’est sortir de sa zone de confort, laisser son passé et son quotidien, aller plus loin, en faire davantage pour atteindre un seul objectif : Saint-Jacques.

adf 352 temoignage 5C’est se dépasser tout simplement, ne pas abandonner, s’ouvrir aux autres pèlerins, aller à la découverte du monde, être en marche vers son destin en se concentrant sur l’essentiel : avancer, manger, dormir. »

Cette courte description vous permettra de voir par vous-même combien notre expérience de vie après la séparation et le chemin de Compostelle sont des chemins parallèles. Pas étonnant alors que je sois tombée sous le charme du Camino : c’est mon nouvel état de vie qui a été le déclencheur pour me mettre en chemin… et en même temps le chemin est, pour moi, un réel moment de ressourcement et de joie, comme nos récollections ou retraite à la Communion. Alors chers frères et sœurs, à la façon des pèlerins, je vous dis Ultreïa ! ce mot joyeux qui encourage à aller de l’avant, à se dépasser pour continuer d’avancer sur notre chemin de vie.

Cathy (Paris) - Ile-de-France -Montmartre