Ce mardi deux septembre 2014 je fais route vers Brest où m’attend ma cousine en fin de journée. J’ai quitté la « Cour es Compte », maison de mon fils, de bon matin. J’ai décidé de musarder et me suis concocté un chouette itinéraire. Las ! Travaux, déviation, errance en rase campagne. Tiens, Saint Pern, connais pas ! La pancarte précise « maison des petites sœurs des pauvres ». J’ai le temps, allons-y voir.
Il fait beau, la petite bourgade pimpante est animée par le passage de tracteurs et autres machines agricoles. La porte de l’église est grande ouverte, elle invite à y entrer.
A droite de l’autel se tient une statue grandeur nature, en beau bois blond, de Jeanne Jugan, la fondatrice des petites sœurs des pauvres. Je suis frappée par le réalisme du visage de Jeanne. Elle tend la main pour offrir un morceau de pain. Je m’approche, tends aussi ma main, touche la sienne, souris intérieurement et dis « moi, ce que je veux, c’est le pain du ciel ».
Au sortir, autre pancarte: tour Saint Joseph, tombeau de la bienheureuse. Je ne suis pas à trois km près.
J’arrive dans un vaste espace architectural harmonieux mais sévère. La chapelle où doit se trouver le tombeau de Jeanne est accolée à des bâtiments conventuels. Où est l’entrée ? Pas un chat pour me l’indiquer. Comme je m’approche, une fenêtre s’ouvre au premier étage, une tête en sort et m’apostrophe : « vous venez pour la Messe... » C’est plus une constatation qu’une question.
Euhh... «Prenez la porte, là», m’indique-t-elle juste en dessous d’elle. J’obtempère. Je me trouve dans un couloir qui, à vue de nez, doit faire entre 150 et 200m, toujours pas un chat ! Ah ! Un bruit d’ascenseur. En sort une petite sœur asiatique : « on m’a dit qu’on attendait une dame... »
Elle vient me chercher pour la messe. Je pense qu’il doit s’agir de quelqu’un d’autre et m’enquiers de l’heure de l’office : dix heures et quart. Il est dix heures trente, je recule et dit que je ne veux pas déranger.
Mais non ! Mais non ! dit-elle en me poussant gentiment pour me faire entrer dans une salle où deux prêtres aux ornements rouges introduisent la célébration en parlant des massacres de septembre 1792 dans le jardin des Carmes à Paris.
Ils me regardent intensément pendant la poignée de secondes où la petite sœur m’installe près d’une petite table ronde. Je pense que la personne qu’ils attendent sera encore plus gênée que moi car la messe commence. Petit à petit, je prends conscience de mon
environnement. Il n’y a que des sœurs, toutes de noir vêtues, qui viennent des quatre coins de la planète pour une année complète. Un ou deux « laïcs ». En fait la pièce est l’infirmerie où Jeanne a vécu les dernières années de sa vie. Elle y est décédée dans le lit qui occupe un des coins et moi je suis toute seule, en avant près de la table sur laquelle elle prenait ses repas.
Et c’est ainsi que j’ai reçu le pain du ciel. Personne d’autre n’est venue après moi.
Après m’être recueillie près de son tombeau, que le seul homme présent venu en voisin m’a indiqué, je décide de passer par l’accueil, dont la porte est ouverte cette fois. J’y rencontre une vieille et mignonne petite sœur qui, devant ma grande ignorance de la vie de Jeanne, insiste pour me donner un livret ainsi qu’une médaille. Confuse, j’accepte et lui demande alors d’y mettre son nom et je peux y lire : sœur Marie-Pierre.
Et c’est pas fini (on pourrait se croire dans une certaine pub’). De retour de chez ma cousine, je reçois un message de mon fils : « c’est pas une blague, Bérénice est à la maternité », nous n’attendions Louise que dans trois semaines. En fait j’avais fait secrètement le vœu qu’elle arrive pour mon anniversaire, soit le jour même : le 7.
Elle arrivera le lendemain mais je n’en veux pas à la vierge Marie !
Voilà quelques-uns de ce que j’appelle les clins d’œil du Patron et qui me surprennent toujours.
Marie Pierre (Orbec) – NORMANDIE