Récollection CNDA, 28ème semaine T.O. Lc 12, 8-12

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je vous le dis : Quiconque se sera déclaré pour moi devant les hommes, le Fils de l’homme aussi se déclarera pour lui devant les anges de Dieu. Mais celui qui m’aura renié en face des hommes sera renié à son tour en face des anges de Dieu. Quiconque dira une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera pardonné ; mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pas pardonné. Quand on vous traduira devant les gens des synagogues, les magistrats et les autorités, ne vous inquiétez pas de la façon dont vous vous défendrez, ni de ce que vous direz. Car l’Esprit Saint vous enseignera à cette heure-là ce qu’il faudra dire. »

Homélie

Il est des pages de l’Ecriture plus mystérieuses que d’autres et celle que nous venons de lire l’est particulièrement, qui semble contenir des contradictions et parler de réalités dont nous pouvons nous demander de quoi au juste Jésus veut bien parler !

Le Fils de l’Homme reniera celui qui l’aura renié. On se dit que son compte est bon ! Mais ce n’est pas si évident puisque juste après Jésus dit que celui qui parle contre le Fils de l’Homme, il lui sera pardonné. Alors, cet homme qui renie ou parle mal du Fils de l’Homme est-il sauvé ou pas ?

Et puis Jésus semble opposer ensuite deux types de péché : la parole contre le Fils de l’Homme qui serait pardonnable et le blasphème contre l’Esprit qui est irrémissible ! Le Fils de Dieu serait-il plus tolérant que le Saint-Esprit ? Qu’est-ce donc que ce péché si grave qu’il ne peut être pardonné ?

De nombreuses explications ont été données de ces paroles du Christ : il parlerait de deux moments distincts de la prédication du Royaume (le temps de la mission terrestre de Jésus pendant son ministère public, où il serait excusable de ne pas le reconnaître, et le temps de la mission inspirée par l’Esprit après la résurrection du Christ, où cela deviendrait inexcusable) ou de deux actes de reconnaissance de l’action de Jésus (on peut méconnaître l’identité du Fils de l’Homme, mais on ne peut pas nier l’œuvre de l’Esprit Saint qui s’opère par lui), ou de deux moments de la vie du croyant (avant sa découverte de la Vérité qu’est Jésus et après sa conversion et son accueil de la grâce), ou bien encore il s’agirait d’une 3ème catégorie de péché, une sorte de péché « très mortel », à côté des péchés véniels et mortels.

Mais tout cela semble demeurer en contradiction avec notre foi et notre espérance, notre confiance en la miséricorde de Dieu, dont nous osons croire, que lors bien même que notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur, et qu’à tout pécheur, miséricorde, comme le dit le bon sens de la foi.

Les Pères de l’Eglise ont beaucoup réfléchi sur le sujet et voici comment un auteur résumait leur pensée : « Les pères disaient avec raison : ‘Le seul péché sans rémission est le péché sans repentir’. Ainsi, le refus de se repentir jusqu’à la mort est le seul péché impardonnable. Or personne ne peut se repentir sans l’action de l’Esprit-Saint qui « convaincra le monde en ce qui concerne son péché » (Jn 16,8). C’est Lui qui guide et encourage l’homme dans la vie spirituelle, Il est la force qui aide à toute bonne œuvre. Personne ne peut accomplir d’œuvre spirituelle sans l’association de l’Esprit-Saint. Blasphémer contre l’Esprit-Saint, c’est le refus radical et continuel de son action d’où découle le refus du repentir et des bonnes actions. » (Pape copte Chénouda III)

Si c’est impardonnable, ce n’est pas parce que Dieu ne veut pas pardonner, mais c’est parce qu’il ne peut pas, puisque nous refusons son Esprit inspirer notre vie et notre désir d’accueillir son pardon.Les phrases que nous adresse le Christ ce matin nous disent donc qu’il faut prendre sa Parole au sérieux, ne pas avoir peur de regarder ce qui dans notre vie est incohérent, incompatible avec sa parole d’amour, sinon nous serions des hypocrites et des tartuffes (qui voudrions faire du Fils de l’homme le complice de notre péché). Il s’agit de laisser la puissance de l’Esprit nous inspirer un désir de faire ce qui est bien, faire la volonté de Dieu, accueillir son pardon. Le seul obstacle à la puissance de l’amour de Dieu, ce n’est pas le poids de nos fautes, même pas notre désespoir voire la peur devant leur gravité, c’est le refus de son amour. C’est cet Esprit d’amour que nous devons laisser agir en nous. Amen.