Le titre de cet ouvrage a tout de suite retenu mon attention. A cause d'une jeune femme récemment divorcée que j'ai rencontrée via l'application zoom d'un parcours spirituel du diocèse de Versailles et pour qui l'annulation de de son mariage est une très importante préoccupation. Mais aussi, parce qu’à ma connaissance, on a peu écrit sur ce sujet tabou et mystérieux et, qu’à titre personnel, je reconnais que cette perspective m'a aussi interpellé et m'a fait cogiter quelque temps avant que je me décide à définitivement classer le dossier.
En apparence, la structure de l'ouvrage paraît déséquilibrée : plus de 80 pages pour raconter son histoire, 24 pages sur la procédure et 40 pages de réflexions personnelles.
L'histoire est à la fois simple et singulière : on y trouve de beaux et complémentaires idéaux de jeunesse, des fiançailles romantiques mais une préparation bâclée et quelques ombres qui se profilent imperceptiblement.
La déchirure puis la rupture rapide ne surprendront pas les membres de la Communion : Les questions sans réponses, le poison du mensonge et du non-dit, le violent choc de la découverte de la trahison, coup de poing à l'estomac et nausée....
Et puis les étapes qui s'enchaînent inexorablement : la prostration, le déni, le sentiment d'humiliation, l'angoisse du regard des autres, la frénésie de comprendre.
Le conjoint qui devient un étranger aux explications dérisoires (la course à l'adrénaline pour casser la routine) mais aussi un ennemi menaçant et même violent. L'épisode de la rupture par échange des alliances est le point d'orgue du récit.
La partie relative à la procédure d'annulation s'avère décevante car le cas (sans enfants) est trop simple et trop évident. Mais après la froideur bureaucratique du divorce civil, les enjeux sont bien valorisés. Il ne s'agit pas d'un divorce religieux qui rendrait justice à une victime mais d'une recherche de vérité, d'une clarification en profondeur pour mieux reconstruire, d'un combat pour mettre des mots sur les maux et passer toutes les étapes imposées : la prise de contact avec l'officialité, la rencontre avec l'avocat, la rédaction d'un mémoire, la collecte des preuves et la constitution d'un dossier, la sélection de témoins qui seront entendus confidentiellement, l'audition finale de trois heures en présence du "défenseur du lien", la centaine de questions intimes et déplaisantes, la découverte de la réaction écrite du conjoint, l'attente de la sentence, les 15 jours du délai de recours... et l'interdiction au conjoint de se remarier.
La troisième partie intitulée "reconstruction" revient sur le sens de ce combat et détaille les adversaires et les armes à utiliser.
Pour surmonter l’épreuve il faut vouloir retrouver sa dignité quand l‘honneur et l’ego sont terriblement malmenés. Et vouloir être heureux malgré tout.
Une fois monté sur le ring, forcé par l’imprévu, les adversaires sont nombreux :
- La souffrance et la culpabilité de tant souffrir. Souffrir parce que l’autre ne souffre pas. Laisser la souffrance s’enkyster au point de devenir un autre moi-même.
- La vengeance même si elle reste fantasmée.
- L’illusion de l‘oubli ou la tentation d’excuser trop vite ou de noyer son chagrin.
- Le sentiment de solitude et de marginalisation.
- La colère qui nous dope contre la tristesse dépressive.
- Le découragement qui s’insinue et instille la peur aux multiples visages.
Heureusement, plusieurs armes peuvent s’avérer redoutablement efficaces :
- L’acceptation de la souffrance qui permet de la dompter et qui nous rend à la fois plus réaliste et plus compatissant.
- Le long chemin du pardon par l’agapéthérapie pour se libérer soi-même en libérant l’autre.
- La libération par l’écriture pour laisser une trace de sa douleur sans avoir l’impression d’avoir enterré un mort pour partir faire la fête.
- Le soutien de la prière d’abandon à celui qui sait mieux que nous et qui, lui aussi, a dû surmonter l’épreuve de la trahison.
- Le silence comme moyen de traquer l’animal sauvage qui est en nous. Le silence n’est pas vide, il est présence. Ecouter sa voie intérieure apporte l’apaisement de l’Esprit et la lucidité du cœur.
- Le dur désir d’avancer en commençant par se soigner pour que la cicatrice devienne discrète et propre.
Au final, on peut s'interroger sur une conception du pardon qui semble un peu superficielle et réductrice mais retenir l’idée de ne pas se contenter des piliers du mariage lors des préparations mais d'exposer très concrètement les motifs d’invalidité.
En creux, c’est quand même la beauté et la grandeur du sacrement valide qui sont réaffirmés. Le mariage est le sommet de la vocation humaine et, comme tout sommet, il est périlleux. Cette aventure consiste à accepter la part d’inconnu et de mystère de l’autre.
Pierre-Yves (Courbevoie) – IdF-Poissy