Lors du Bureau de mars dernier, la rencontre fortuite au prieuré de Montmartre entre le père Grégoire, notre Conseiller Spirituel Général, et le Père Tanneguy, a amené ce dernier à nous donner son témoignage et la place que sa grand-mère tenait dans sa vocation sacerdotale. Très touchés par ce que nous avons entendu nous avons souhaité le partager avec vous.
Annick et Martin
La manière dont ma grand-mère a vécu son mariage m'a fortifié pour répondre à ma vocation de prêtre
"Maminou", comme on l'appelle dans la famille, est un pilier sur la route de ma vie. Depuis toujours je lui connais ce même regard aimant, bienveillant, tendre, miséricordieux, maternel, toujours prêt à s'émerveiller. Pourtant, en grandissant, j'ai compris petit à petit qu'elle n'avait pas eu une vie facile...
Quand maman a eu 18 ans environ, Maminou a dû se séparer de Bonpapa pour des raisons nécessaires. Elle a alors élevé ses 7 enfants seule. Elle a continué de porter son alliance, elle a continué de signer ses lettres du nom de son mari, et elle lui est restée fidèle. Elle m'a témoigné un jour que la dévotion au Sacré-Cœur l'avait beaucoup soutenue, et que la lourde charge des enfants l’avait probablement empêchée de déprimer.
Bonpapa est décédé 40 ans plus tard, au début des années 2000, sans qu'ils se soient jamais revus me semble- t-il. Ce jour-là j'ai eu Maminou au téléphone, et elle a éclaté en sanglots : en 40 ans de séparation, elle n'avait jamais cessé de l'aimer ! C'est un des témoignages d'amour les plus profonds que le Seigneur m'a donné de voir dans ma vie. Avoir été témoin de cela est une très grande grâce. Je pressens que c'est comme une sève qui va m'irriguer jusqu'à la fin de ma vie.
Le Seigneur m'a fait comprendre qu'il m'appelait au sacerdoce en 2002. J'ai eu alors très peur, me sentant incapable. Il m’a fallu un an pour m'en ouvrir à un prêtre. Une vie de prière et un discernement ont alors commencé. Dans cette période, la révélation des profondeurs du cœur de ma grand-mère m'a émerveillé et, plus je la contemplais, plus j'avais envie de devenir prêtre.
Pendant le séminaire, j'ai traversé des périodes sombres au début. Je savais alors très bien de quoi j'avais besoin : passer des vacances avec Maminou. L'été, je prenais 15 jours pour lui tenir compagnie dans une location qu'elle affectionnait à Cabourg. Juste nous deux. Nous nous rendions service mutuellement. Je lui servais de chauffeur et d'homme à tout faire. Elle cuisinait. Je travaillais mes cours. Sa simple présence m’apaisait. Son écoute délicate me fortifiait. Nous refaisions le monde. Parfois quelques "road trip" à deux sentaient bon la liberté et la poésie...
Un jour, devant la mer, Maminou - qui connut d'autres malheurs en plus de celui de la séparation - m'a donné une image sur les épreuves de la vie : « Sur le moment, on ne comprend pas le pourquoi des épreuves, mais plus tard, on comprend, il faut faire confiance au Bon Dieu. C'est comme un rosier : plus on coupe court, plus ça repousse avec profusion. »
Enfin, je voudrais témoigner du rayonnement de son visage. Combien de fois ai-je reçu de compliments au sujet de ma grand-mère de la part d'inconnus dans la rue : "ô votre grand-mère, qu'elle est belle !"
Sois béni Seigneur de m'avoir donné une telle Bonnemaman. Sans elle je ne serais peut-être pas prêtre aujourd'hui. Bénis-la dans ses derniers jours en maison de retraite.
Bénis et garde sur ton cœur toutes
les personnes qui font ce choix de la
fidélité inconditionnelle, à l'image de
ton amour pour chacun de nous. Que leurs cœurs se laissent transpercer pour devenir torrents de lumière dans notre époque de plus en plus obscure. Ils ont été taillés court, qu'ils portent du fruit en surabondance, à la face du monde.
Bien amicalement dans le Seigneur,
Tanneguy VIELLARD, prêtre du diocèse de Paris ordonné en 2012