C’est en premier lieu un cri d’action de grâces envers Dieu que de pouvoir témoigner de la bonté et du privilège reçus par le Seigneur. Tout d’abord d’avoir eu la chance de naître dans une famille profondément chrétienne et d’avoir reçu une éducation religieuse où l’on m’a inculqué un idéal « le sens de l’effort et de l’Amour de Dieu ». Ceci m’a été nécessaire et combien précieux pour affronter le choix de la séparation. Ne pouvant plus supporter le doute et enfin la certitude d’être trompée.
Le dialogue était rompu malgré les différentes formes employées, aucune réaction de la part de mon mari. C’est alors que je me suis confiée à ma tante religieuse qui me conseilla de rejoindre un groupe charismatique : par chance, il y en avait un dans notre paroisse. Celui-ci m’a beaucoup aidée et soutenue car je vivais une situation très inconfortable ; nous étions sous le même toit durant toutes les démarches de séparation que j’avais entreprises et mon mari repoussait son départ. Mon avocat dut lui donner une date butoir impérative afin qu’il quitte le domicile.
En 1997, on m’a fait part du mouvement Communion Notre-Dame de l’Alliance qui correspondait à ce que je souhaitais vivre : la fidélité à mon sacrement de mariage. Le contact fut très chaleureux lors du premier week-end : la paix et la joie y régnaient malgré les souffrances des uns et des autres.
Il y a 24 ans, en 1998, ce fut ma première retraite à Montligeon. Depuis, j’ai eu la grâce de pouvoir participer régulièrement aux week-ends et aux retraites proposés. Mon parcours a été assez particulier et pas forcément facile. Après quelques années d’instabilité de la part de mon mari, nous sommes restés en aussi bonne relation que possible. Environ 5 ans après notre séparation, il trouva l’âme sœur : celle-ci habitant Cholet et lui Nantes (60 km de distance) cela facilitait leurs rapports : on prend tout ce qu’il y a de positif dans ce cas-là, c’est- à-dire danse, voyages, etc.
En 2010, mon mari tomba très malade, on diagnostiqua un cancer des vertèbres (myélome), ce qui l’obligea, à cause de son traitement, à être un peu plus présent à Nantes mais leurs relations continuèrent.
En 2019, neuf ans et demi plus tard, premier AVC. Sa santé devenant plus fragile, il n’arrivait plus à s’assumer complètement seul. J’ai dû prendre soin de lui, tout en vivant chacun dans notre appartement respectif, mais toujours avec une certaine rivalité avec son amie : ils se téléphonaient en effet deux fois par jour.
Fin mars 2020, 2e AVC. Paralysie du côté gauche et, après une hospitalisation d’un mois, récupération partielle de la paralysie mais mon mari reste aphasique. En plein Covid, il fut difficile de trouver un EHPAD, et à partir de cette période, son amie et moi-même devions nous affronter. Me présentant un jour à l’accueil de l’EHPAD, on me signale que mon mari avait une visite, et tout de suite j’ai pensé que ce ne pouvait être qu’elle. Je suis très perturbée tandis que mon mari arrive près de moi et me dirige vers son amie. Moi qui avais tant prié pour éviter cette rencontre ! Je ne comprenais pas, tout en me demandant ce que le Seigneur attendait de moi dans tout cela !
Rentrée chez moi, ayant pu récupérer les coordonnées de son amie durant le déménagement de l’appartement de mon mari, je me décide à lui téléphoner pour lui dire qu’il serait préférable d’ajuster nos visites afin de lui réserver plus de temps, chose qu’elle a bien comprise. En revanche, elle a su répliquer, trouvant cela très normal : « Nous sommes deux à l’aimer, il y a quatorze ans que nous nous connaissons ». Ma réponse a été très claire : « Nous avons soixante ans de mariage, trente-sept ans de vie commune, deux enfants, cinq petits-enfants et trois arrière-petits-enfants : une vie familiale bien remplie ! À vous de juger ! »
Puis la santé de mon mari s’est dégradée après un an et demi à l’EHPAD : hospitalisation, infection pulmonaire, pas de réanimation en vue, sa pathologie ne le permettant pas, donc sous morphine pour apaiser ses souffrances.
Nos deux enfants et moi-même nous sommes rendus auprès de lui. Il nous a bien reconnus et a été conscient de notre présence, quand tout à coup, balbutiant quelques mots, nous montrant le mur face à lui, où il n’y avait rien de particulier pour nous, tout en insistant avec sa main, comme s’il comptait et voyait quelque chose, il fit son signe de croix.
Un moment plus tard, même chose : je ne sais pas ce qu’il voyait. Ayant beaucoup prié sainte Thérèse, ma sainte patronne, j’ai vraiment eu la certitude de la présence de Jésus auprès de lui, me rappelant sainte Thérèse qui demandait un signe à la mort du condamné sous l’échafaud pour le salut de son âme, quand celui-ci embrassa le crucifix au dernier moment.
Mon fils m’appela très tôt le lendemain en me disant : « Papa ne lâche pas, on a l’impression qu’il attend quelqu’un ». Je compris tout de suite ce qu’il voulait me dire, et j’ai donc téléphoné à son amie, lui exposant la situation. Nous nous sommes toutes les deux retrouvées auprès de lui, et la nuit suivante, il quittait le monde.
Merci Seigneur pour toutes les grâces dont tu m’as comblée, et pour la force nécessaire que tu m’as donnée dans ce cheminement durant ces vingt-cinq années passées à la Communion. Elles m’ont permis de grandir dans la foi, la confiance et la fidélité. Quoi que nous vivions, tu ne nous abandonnes jamais !
Cette étape m’a fait comprendre combien Tu es bon, nous aidant à pardonner et à vivre la fraternité et à prendre conscience que nous sommes tous membres de cette même Église dont le Christ est la tête.
Merci à tous nos prêtres, nos modérateurs, à nos responsables de groupe, à tous ceux qui sont au service de la Communion Notre-Dame de l’Alliance et à vous tous.
Marie-Thérèse Arnaud