Le fondement de la fidélite et son vécu
La question de la fidélité est très actuelle, car elle se confronte à la propension courante de notre monde au changement, à la perte de l’espérance, à l’envahissement de l’éphémère et à la crise de l’engagement personnel. Un monde de ruptures, de zapping, de relativisme n’appelle plus beaucoup à la fidélité. N’a-t-elle pas pour autant une pertinence d’autant plus belle ?
La fidélité fait peur ! Comment concilier de rester permanent dans un engagement si tout va changer, avec l’amour qui fait du yoyo, en suivant une personne qui a bien changé. Et pourtant la fidélité est toujours appréciée en amitié ou en amour, chez les jeunes qui aimeraient bien la vivre, comme chez Auchan et ses cartes de fidélité.
Qu’est-ce que la fidélité ?
La fidélité se perçoit d’une manière très générale comme une « constance du vouloir » en rapport avec une promesse, envers une personne ou un idéal, avec l’intervention de la volonté et de la liberté. Les synonymes sont nombreux : constance, persévérance, perma-nence, intégrité, pérennité, sûreté. Son étymologie révèle le mot foi (fides ou fidelis), rendant le fidèle de bonne foi, digne de foi ou de confiance.
Sa connotation peut rester très morale, car le séparé fidèle « ne manque pas à la parole donnée à quelqu’un » comme l’énonce le Petit Robert. Mais si ce quelqu’un est spécialement décevant, blessant ou devenu indigne, ne faut-il pas autre chose pour fonder la fidélité ? Il faut y ajouter les autres loyautés accordées à un ensemble de valeurs : l’honneur des saints, l’obéissance, la foi et l’espérance, l’amour des ennemis et la recherche du pardon. L’engagement fut envers une personne mais aussi devant les autres, famille et amis, et envers une institution.
Le vécu de la fidélité
Contrairement aux choses qui durent par elles-mêmes comme le mouvement des astres ou la pérennité d’un rocher solide (le ROC du Seigneur sur quoi bâtir la maison !), la fidélité est humaine dans la mesure où s’y superposent la volonté et la liberté, refaisant sans cesse une réappropriation de la fin recherchée, et cela à travers des obstacles extérieurs, tels qu’usure ou découragement.
La « crise de la fidélité » ne vient pas forcément de la remise en question des valeurs qu’elle sous-tend, comme l’amour par exemple, ni des médiations qui la formalisent, comme le mariage, mais « plutôt d’un soupçon, plus ou moins conscient, portant sur le caractère durable des médiations, sur les possibilités de vivre des valeurs dans un idéal de totalité et de permanence, au sein d’un monde où tout change, évolue, et se succède sans arrêt ». Le défi porte bien sur la durée. Il en est de même dans la vie spirituelle où l’attente de sensations fortes vécues dans l’instantané ne porte pas à la persévérance dans la sécheresse, à la constance dans la nuit de l’âme, à l’espérance d’un devenir autre dans la stérilité.
La fidélité n’est pas une vertu première comme la charité, la paix, la joie, promises pour la vie éternelle, mais seconde en tant qu’elle est ordonnée aux premières pour les faire durer dans le temps d’ici-bas. Elle se rattache en fait à des valeurs qui ne sont pas faciles à vivre. Par exemple l’amour réclame de longs investissements et rencontre des crises et des difficultés qui ont besoin de temps et de patience.
Malgré son rapport si étroit au temps, la fidélité semble pouvoir échapper néanmoins à son emprise négative par une échappée dans l’éternité comme image fixe de la fidélité divine où elle se cherche comme en un miroir. C’est là que l’expérience religieuse fait droit à cet effort de l’homme de baser ses engagements et sa quête de bonheur sur un ailleurs et surtout sur un Autre, garant de cette pérennité de la grâce qui dépasse les contingences pour « fabriquer » de l’éternité ou du sacré, dans l’irruption du surnaturel au-dedans de la réalité temporelle et quotidienne de sa vie.
La fidélité est mue par l’amour : « Notre fidélité extérieure, doit être le résultat, le fruit et la manifestation des sentiments de foi, de confiance et d’amour qui régissent notre cœur […], l’amour étant le mobile de notre fidélité (et non l’inverse) (Don Marmion).
Attribut majeur de Dieu, la fidélité nous est révélée dans le cours de l’histoire biblique comme garantissant l’Alliance qui sauve l’homme. Le Serviteur souffrant, figure de l’Israël éprouvé comme du Fils bien-aimé, tient bon dans sa fidélité à Dieu à travers les tribulations. Il est le « Rocher d’Israël » qui vient accomplir la Promesse, le ROC de nos jours !
Ce qui entretient cette vertu spirituelle
Rien n’est plus nécessaire au progrès spirituel et au maintien de la vie spirituelle que la prière (remarquable école de fidélité en soi), la méditation de la parole de Dieu, la réception des sacrements (médiations des fidélités divines), au premier rang desquels figurent la confession et la communion, grandes sources de force pour la route quotidienne.
Les obstacles à la fidélité sont : le manque de foi, le découragement ; le manque de clarté sur sa vocation ou de vérité sur son histoire ; les peurs de l’avenir, peur pour les enfants et peur de s’abandonner ; les doutes ou soupçon sur la validité de son sacrement de mariage ; le manque d’intimité avec Jésus ; le harcèlement de quelqu’un de son entourage ou même d’un enfant qui ne comprend pas notre choix de la fidélité.
« L'amour est un hasard que l'on transforme en destin par un choix continu » (Paul Ricoeur). Votre conjoint reste votre vocation. Aimer fidèlement en petit, c'est très grand !
P. Michel Martin-Prével, cb, CNDA Midi-Pyrenées
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Père Michel Martin-Prével
Veuf après trente-deux ans de mariage, et père de trois enfants, il a été ordonné prêtre en 2009. Il est membre de la Communauté des Béatitudes et conseiller spirituel du Groupe Midi-Pyrénées de la Communion Notre-Dame de l'Alliance.