Le sacrement perdure
Parce que le lien conjugal demeure au-delà de la séparation ou du divorce, deux divorcés témoignent de leur fidélité au Christ et à leur conjoint, avec l'éclairage du Père Michel Martin-Prével.
Une manière, bien que douloureuse et difficile parfois, de répondre à la vocation à l’amour que Dieu désire pour chacun.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, Marie* et François*, tous deux divorcés, désirent rester fidèles à leur sacrement de mariage. Un désir qui s’est imposé à eux comme un électrochoc. Un désir tapi au fond de leur cœur et qui s’est révélé à travers les paroles d’un prêtre.
Marie a 62 ans. Elle a été mariée une dizaine d’années avant de divorcer à l’âge de 36 ans et est mère de deux enfants. Son couple a commencé à traverser des périodes difficiles à la naissance de leurs fils. « Mon mari n’était pas prêt pour assumer sa responsabilité de père. Nous allions de crise en crise, nous avons tenté de faire un travail sur nous-mêmes mais il refusait de se remettre en question. Cela a été jusqu’à des violences physiques de sa part. À partir de ce moment-là, la ligne rouge avait été franchie et j’ai demandé le divorce ».
François, 60 ans, est marié (le présent, pour lui, est important) depuis 36 ans et divorcé civilement depuis une vingtaine d’années. Il est père de trois filles. Lui et son épouse s’investissaient énormément dans leur travail respectif. Ils avaient mis Dieu de côté, comptant sur leurs propres forces. Et progressivement, « leurs chemins de vie sont devenus des chemins de solitude ».
Ces situations douloureuses et les divorces qui en ont résulté bouleversent leur existence. Marie confie avoir été au bord du suicide et n’avoir survécu que pour ses deux enfants alors âgés de 6 et 3 ans. Demeure chez elle une immense interrogation quant au sens de la vie, du mariage et de cette épreuve qu’elle traverse. « Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Où s’est-on planté ? Trouver des réponses à tout cela était pour moi une question de survie, et c’est en essayant d’y répondre et d’y voir un sens que je suis arrivée jusqu’à Dieu et à la conviction que le Christ sauve », explique-t-elle. En lisant le livre "Refaire sa vie ? Lettre ouverte à une divorcée" (EdB, 1996) du Père Michel Martin-Prével, une phrase lui ouvre un autre horizon : « Le prêtre écrivait : dans le mariage, vous n’êtes pas deux, mais trois. Ces mots m’ont bouleversée. Je n’étais pas seule ! J’ai réalisé que Dieu était toujours présent et que je pouvais compter sur lui. Moi qui ne me voyais pas continuer ma vie seule, sans ressource et avec deux enfants, j’ai ressenti une grande paix intérieure, une confiance dans la fidélité du Seigneur qui sera toujours à mes côtés ». De son côté, François confie également : « Le Christ était là dès le début mais je ne le savais pas. Je ne l’ai découvert qu’à travers l’épreuve de la séparation. Même si mon épouse ne m’accepte plus comme époux, je recherche son bien ».
Le père Michel Martin-Prével, père, grand-père et prêtre, très engagé aux côtés des couples en difficulté à travers les parcours Tobie et Sarah et de nombreux ouvrages, précise à Aleteia que le mariage engage effectivement trois personnes : Dieu, l’homme et la femme. « La fidélité est envers le Seigneur d’abord, puis envers l’autre, changé, mais toujours le même, en tant que fils ou fille de Dieu. Après la séparation, il y a encore la grâce agissante du sacrement de mariage, à cause justement de son indissolubilité ».
Lorsque la femme de François demande de mettre fin à leur vie commune, c’est un effondrement. Une fois le divorce prononcé, il se demande quel sens donner à cette « vie d’après ». Lui qui avait pris ses distances avec la pratique religieuse se rend à la messe régulièrement et trouve dans le sacrement de réconciliation un baume pour panser ses blessures, ainsi que la grâce de se pardonner et de pardonner à son épouse. Un jour, un prêtre lui dit cette parole simple : « Tu es marié ». « Cette phrase qui pourrait paraître anodine reflétait exactement la réalité que je portais au fond de mon cœur », se souvient-il. « Cela m’a permis de retrouver un sens à ma vie. J’étais appelé à un chemin de fidélité, de pardon, d’espérance. Même après un divorce, le sacrement de mariage possède une puissance de vie et de salut ».
« Dans la séparation, être fidèle est aussi une façon très vraie, quoique paradoxale, de vivre l’amour », remarque le père Michel Martin-Prével. « L’amour des ennemis n’est-il pas supérieur à celui des amis ? Or le divorce amène finalement à aimer celui ou celle qui est devenu ennemi ». C’est ce dont témoigne François aujourd’hui. « Quelque chose de la grâce du sacrement de mariage passe encore entre nous. Cela nous édifie malgré tout. Même si mon épouse ne m’accepte plus comme époux, je recherche le bien de mon épouse », confie-t-il. « Le sacrement de mariage continue à transformer mon cœur et à m’appeler à l’amour, d’une manière différente ce que nous avons vécu pendant notre vie commune ».
« Parce que le lien conjugal demeure au-delà de la séparation, non pas à cause d’une loi de l’Église, mais selon la loi naturelle de l’amour, la grâce sacramentelle du mariage porte cet amour dans sa faiblesse et dans sa pauvreté », souligne le père Michel Martin-Prével. « Les effets du sacrement perdurent au-delà de la séparation et suscitent encore une vocation à l’amour. Compagnons d’éternité ou presque, ils sont donnés l’un à l’autre pour se porter, en restant responsables de l’âme de l’autre ». Une disposition du cœur facilitée par une vie de prière, l’Eucharistie, et par le soutien d’une communauté fraternelle, comme le propose par exemple la Communion Notre-Dame de l’Alliance réunissant des hommes et des femmes engagés dans un mariage sacramentel et vivant seuls à la suite d’une séparation ou d’un divorce.
« Ces témoins de la fidélité conjugale le sont comme Dieu est fidèle à l’homme malgré ses refus, et comme Jésus est fidèle à son Père malgré l’abandon des siens », constate le père Michel Martin-Prével. Ils font leurs les paroles du Christ : « Ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer » (Mt 19, 6).
Le pape François a des mots très forts dans Amoris Laetitia à propos des enfants de parents divorcés. Il donne une ligne de conduite claire : « Que les enfants ne soient pas ceux qui portent le poids de cette séparation, qu’ils ne soient pas utilisés comme otages contre l’autre conjoint, qu’ils grandissent en entendant leur maman dire du bien de leur papa, bien qu’ils ne soient pas ensemble, et que leur papa parle bien de leur maman ». François a été profondément touché par ces mots de son épouse divorcée : « Nos filles ont de la chance de t’avoir comme père ». Puissent tous les parents séparés assumer ensemble et d’un même élan l’éducation de leurs enfants. Car « les parents divorcés sont toujours munis de la grâce de l’éducation et de la sanctification de leurs enfants », précise le père Michel Martin-Prével. François va même plus loin : prendre à cœur son rôle de père est une manière pour lui de rester fidèle. « En assumant ma paternité, je rejoins son cœur de mère ».
* Les prénoms ont été changés.
Mathilde de Robien – publié le 21/11/21 sur aleteia.org
Pour aller plus loin...
Père Michel Martin-Prével
Membre de la Communauté des Béatitudes depuis 1981, il est également conseiller spirituel du Groupe Midi-Pyrénées de la Communion Notre-Dame de l'Alliance.
Veuf après trente-deux ans de mariage, et père de trois enfants, il a été ordonné prêtre en 2009.
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Mariage indissoluble ?
C’est la « question cash » que pose le Père Burgun dans cette interview : « croit-on encore, dans l’Église, qu’avec la grâce de Dieu un mariage fidèle et indissoluble est possible, ou bien se laisse-t-on aller à l’air du temps qui remet constamment en cause les engagements définitifs ? » Il appelle à revenir à la force de la Parole de Dieu et de sa grâce, pour fonder des mariages qui révèlent l’amour de Dieu pour son Église.
Les fondements de la fidélité et son vécu
La question de la fidélité est très actuelle, car elle se confronte à la propension courante de notre monde au changement, à la perte de l’espérance, à l’envahissement de l’éphémère et à la crise de l’engagement personnel. Un monde de ruptures, de zapping, de relativisme n’appelle plus beaucoup à la fidélité. N’a-t-elle pas pour autant une pertinence d’autant plus belle ?